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Besson et Verdier). Le 97e perdit son chef, le commandant Corteys, Ces régiments et bataillons étaient formés de contingents savoyards et dauphinois, soldats endurants, solides, patients, obstinés, dévoués à qui les sait conduire sans les brusquer ni leur raconter des boniments. Tous portaient le béret qui leur rappelait leurs origines et les montagnes natales.

Barbot était toujours au combat, et toujours au point délicat, et toujours de bonne humeur. Il réconfortait officiers et hommes de troupe et rétablissait les situations compromises. On peut dire qu’il portait sa division. Les chefs avaient confiance, se sentant dirigés et commandés dans un esprit de bienveillance, de soutien, d’amitié, et non de critique, de dénigrement ou de délaissement. et cette confiance gagnait la troupe. C’est d’un grand art, en même temps que d’un grand cœur, de mettre de l’amour dans son commandement. Pas un de ceux qui ont servi sous Barbot ne prononce son nom sans s’émouvoir. J’ai vu son souvenir, après trois ans, tirer des larmes des yeux les moins enclins à en verser.

— Barbot ! dit volontiers à son entourage le général Fayolle qui fut à cette époque-là son voisin, un des plus beaux caractères que j’aie connus, un des hommes qui honorent le plus l’humanité.

Et le général Mordacq :

— Barbot : le Bayard de la grande guerre. Quand les vents étaient favorables, on le voyait peu. Mais, dans la tempête, il était toujours là.

Son ancien chef d’état-major, le capitaine, aujourd’hui commandant Allegret, quand il parle de lui, relève son jeune visage aux cheveux blancs et s’arrête, les yeux perdus, ne pouvant achever, comme s’il ne pouvait traduire une impression trop profonde. Car son état-major était sa famille. L’officier qui l’accompagnait le plus souvent dans ses éternelles randonnées, le capitaine de Féligonde, comme le hasard, pendant la bataille de France, nous avait réunis à la même table, nous entretint de Barbot tout un soir, et ce fut parmi les convives une ferveur d’attention comparable à celle que provoque un concert religieux. Nul ne se crut permis d’approuver ou d’ajouter une réflexion. Mais quand Féligonde se taisait, quelqu’un, après un instant, réclamait à la façon des enfants dans la chanson de Béranger :