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grandes difficultés financières. Les affaires ne marchaient pas. On était à la veille d’une de ces dépressions périodiques si fréquentes aux États-Unis. Or, ils devaient alors 500 millions en or aux Alliés ; et les financiers américains éprouvaient les plus vives inquiétudes à la pensée que cet or pouvait brusquement leur être réclamé. L’Angleterre a commis la faute capitale de déclarer par la bouche de son représentant financier aux États-Unis qu’on n’en exigerait pas le versement ; bien plus, que les Alliés seraient bientôt obligés d’envoyer en or des sommes bien plus considérables encore aux États-Unis. Il aurait fallu, au contraire, nettement déclarer que l’on serait dans l’obligation de retirer cet or, si la finance américaine ne nous ouvrait pas en échange un crédit de 2 milliards 500 millions, que l’on aurait obtenu aisément. Toutes nos relations financières avec les États-Unis se sont ressenties de cette lourde faute. Ce n’est qu’en échange de garanties et de promesses onéreuses que les États-Unis, maîtres de la situation, nous ont consenti des crédits.

Ce ne sont pas les seuls profits que l’Amérique a retirés d’abord de la guerre, ni les seules perturbations que les Alliés ont jetées dans la vie du pays. Ils ont fait aux États-Unis des commandes de plus en plus considérables : acier, cuivre, munitions, fournitures diverses, alimentaires et autres. Au lieu de mettre d’abord la main sur les matières premières indispensables aux fabrications, ils ont commandé les produits manufacturés. Les fabricants ont donc dû se livrer à des surenchères les uns contre les autres pour se procurer les matières premières. Et lorsque enfin les puissances de l’Entente ont essayé d’en constituer des stocks, elles n’ont pas su coordonner leurs activités et les soumettre à une direction unique et compétente. Chaque puissance a acheté séparément et. en concurrence avec chaque autre, et les acheteurs n’étaient pas des spécialistes, mais de vagues représentants diplomatiques ignorants. C’était l’anarchie. Il en est résulté une hausse telle dans les prix des matières premières, une telle concentration de ces matières dans un petit nombre de mains, qu’elles se sont raréfiées sur le marché intérieur. Celui-ci ne trouvait plus, même à des prix excessifs, de quoi subvenir au développement normal et nécessaire de l’outillage du pays : installations électriques, rails, locomotives, machines ; armatures métalliques