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LE JUSTICIER

Je me suis trouvé assister, l’année dernière, en témoin plus qu’en acteur, à un drame de conscience qui, sur le moment, m’émut beaucoup. J’eus aussitôt l’idée de le raconter. Un scrupule me vint. Cet intérêt poignant ne dérivait-il pas du souvenir attaché pour moi au nom des deux frères, héros de cette aventure ? Une aventure ? Le mot est bien fort pour qualifier un incident d’ordre familial, de ceux qui se rencontrent par centaines dans les destinées les plus unies. Après réflexion, il m’a semblé que ma première impression était la bonne, et que ce terre à terre des événements ajoutait, au contraire, à la signification de cette histoire. Elle pose un grave problème qui apparaîtra peut-être comme plus saisissant encore dans ces données toutes communes. Quelle est la mesure de notre responsabilité ? Jusqu’où s’étendent ses limites ? Devons-nous compte à la suprême Justice, non seulement de nos actes médités et voulus, mais des conséquences que nous n’avons ni voulues, ni soupçonnées, — non seulement de nos omissions, mais des effets de ces omissions ? « Qui connaît ses égarements ? Mon Dieu, pardonnez-moi ceux que j’ignore... » dit le Psalmiste. Et Pascal, dans le Mystère de Jésus : « Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur. — Je le perdrai donc. Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance. — Non, car moi, par qui tu l’apprends, t’en peux guérir. A mesure que tu les expieras, tu les connaîtras, et il te sera dit : Voir les péchés qui te sont remis. Fais donc pénitence pour tes péchés cachés,