Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compliment. Il est patient ; il a horreur des armées permanentes. Au fond, si quelques vies américaines sont perdues, cela ne vaut-il pas mieux qu’une guerre qui en coûterait des milliers ? » (7 mars.) Et le très chauvin Los Angeles Times s’écrie cependant : « Sans doute, c’est la faute de l’Allemagne. Sans doute... Mais au nom de l’humanité, au nom du sang versé, le Times a toujours soutenu qu’il fallait mettre un embargo sur les munitions. Il le crie une fois de plus aujourd’hui. » Mais devant l’indignation croissante, ces journaux et d’autres sont forcés de changer de ton. Même la presse germano-américaine, qui a relevé d’abord la tête et déclaré que la note Zimmermann est une évidente fabrication, se tait, confondue par l’aveu de la Wilhelmstrasse. L’opposition au vote sur l’armement des navires du sénateur La Follette et des onze autres « flibustiers, » Kirby, O’Gorman, Stone, etc., soulève une telle tempête de réprobation que le Sénat, intimidé, accorde pleins pouvoirs à M. Wilson, et modifie la loi constitutionnelle : à l’avenir, au lieu de la majorité totale, une majorité des deux tiers suffira à faire passer une loi.

Toute opposition devient de la trahison. L’Amérique est mûre pour la déclaration de guerre. Les derniers sophismes de la propagande germanophile et pacifiste sont d’ailleurs ruinés par un événement capital qui, définitivement, vient miner la thèse de ceux qui prétendent que les États-Unis s’associent à une guerre de capitalistes et d’impérialistes déguisés. La Révolution russe éclate le 18 mars. La compromettante alliance de l’Entente et du tsarisme sombre. Dans le camp des Alliés il n’y a plus que des gouvernements démocratiques ; ils deviennent ainsi les vrais champions de la démocratie dans le monde.


LES FACTEURS. DÉCISIFS DE L’INTERVENTION AMÉRICAINE

Il est impossible d’exagérer l’importance de ce nouveau fait ; Du jour au lendemain toute l’attitude des États-Unis se modifie. Du coup, des germanophiles notoires se rallient à la cause des Alliés. Le professeur pro-allemand William Sloane, de Columbia University, où les sentiments pacifistes se sont manifestés, et continueront à se manifester avec une imprudente ardeur, affirme (New York Times, 19 mars 1917) que les neuf dixièmes des Américains qui avaient semblé être partisans de l’Allemagne étaient en réalité anti-Russes, et que la Révolution