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interprètes de Pénélope, et contentons-nous de les nommer Pour M. Vieuille, dans le rôle d’Eumée, sa belle voix et sa diction parfaite nous a paru plus éloquente encore que son nom. Les chœurs et l’orchestre n’ont mérité que des louanges. Enfin les décors ont formé, selon les traditions de l’Opéra-Comique, un spectacle « à souhait pour le plaisir des yeux. »


L’Académie des Beaux-Arts vient d’élire, dans sa section de musique, le musicien de la Fille de Roland et de Marouf. L’Académie des Beaux-Arts a bien fait. Marouf nous paraît être la plus brillante comédie lyrique de notre époque en notre pays. Jamais nous ne la réentendons sans y reprendre un plaisir extrême. L’œuvre de M. Rabaud a fort peu de chose, et pourtant quelque chose de commun avec celle de M. Fauré, quand ce ne serait que sa façon, toute musicale, de finir. Encore une fois, nous aimons ce genre d’épilogues. La tragédie, ou la comédie lyrique achevée, s’il ne reste rien à faire et rien à dire, il peut rester, et beaucoup à chanter. C’est l’heure, ou tout au moins le moment, pour le musicien, de s’abandonner à la musique pure, à la libre musique ; musique non pas étrangère, ou seulement indifférente au sujet, aux sentiments tout à l’heure exprimés par elle, mais qui, dans une certaine mesure, leur échappe et, tout en les rappelant, les surpasse. M. Rabaud a jugé bon de conclure ainsi, par un robuste chœur fugué, tout débordant de vie et de joie. Nous avons dit naguère, et plus que jamais il nous plaît de redire aux auditeurs de Marouf : « Ne vous levez pas trop tôt. Modérez votre hâte accoutumée de quitter vos places, de reprendre votre « vestiaire » et de trouver une voiture. Les pages finales de la partition méritent de vous retenir. Vous en emporterez, après tant d’impressions vives et légères, une assurance de force, de grandeur et de solidité. »

Ce n’est pas tout. En écoutant Marouf, une fois de plus, la sensibilité de cette musique, autant que son esprit, nous charmait. Marouf, savetier du Caire, est le titre complet de l’ouvrage. « Marouf, pauvre homme ! » répètent volontiers les voisins et les amis. Et la musique, avant de célébrer l’heureuse aventure du gentil faiseur de babouches, s’intéresse à l’humilité de son état et compatit à son infortune. La complainte initiale et qui circule à travers le premier acte : « Dans la ville du Caire ; » chaque phrase, tantôt de 'Marouf, tantôt de l’orchestre qui l’accompagne ou lui répond, tantôt du bon pâtissier qui le console ; ses gémissements de mari querellé par sa