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encore, Après un rêve, sur des paroles italiennes, et du style même, du plus grand style italien, « Levati, sol. » Elle se levait sur les flots, l’éclatante et cependant morne cantilène, pareille à certain rayon de soleil, « come un raggio di sol, » mortellement triste aussi, que le vieux Caldara, sur la mer de Venise, a fait monter autrefois.

Ainsi, pour nous, en nous, les premiers essais de cette jeunesse prédestinée se rattachent à des jours lointains, hélas ! et douloureux. Une guerre, et laquelle ! venait seulement de finir. Aujourd’hui voici qu’une autre, oui, grâce au ciel, tout autre, à peine achevée, on reprend la dernière œuvre du maître. Mais bien plutôt elle nous reprend. Et le triomphe de nos armes lui donne sur nous une prise nouvelle, une puissance non encore éprouvée, qui la fait plus nôtre encore, et nous encore plus siens. L’autre soir, aux esprits comme aux âmes le symbolisme national de Pénélope, à tout moment, éclata. Pareille à l’héroïne antique, objet, comme elle, des convoitises, des menaces et des outrages des méchants, notre patrie ne s’est lassée ni d’attendre ni d’espérer le salut. Elle a souffert toutes les douleurs, toutes les angoisses, une seule du doute, exceptée. Ici, que de mélodies, que d’accents, de soupirs, sont pour nous rappeler, autant que nos malheurs, notre ferme, notre invincible patience. Il n’est pas jusqu’au dernier monologue du héros, cachant encore sous ses haillons ses armes ressaisies et bientôt vengeresses, où tel de nos grands chefs de guerre, sensible à la musique, ne retrouverait peut-être cette joie, cet enthousiasme, dont la certitude de vaincre, la veille de la victoire, dut enflammer son cœur. Dans l’ordre symbolique même, la fin, ou le finale de l’œuvre la couronne. Pénélope s’achève par une courte, mais radieuse apothéose sonore. Désormais, tout est accompli, tout est sauvé. En cet épilogue musical, il y a quelque chose qui rappelle un peu l’action de grâces dernière d’un Fidelio, d’un Freischütz, d’un Guillaume Tell, ces opéras qu’on a parfois nommés, à cause de leur conclusion généreuse et vraiment libératrice, les « opéras de la délivrance. » Dans une acception particulière, actuelle, qui nous émeut et qui l’honore, donnons ce titre à Pénélope. Qu’elle le reçoive et le garde comme notre hommage suprême. Elle en paraîtra plus belle et plus française encore.

MM. Gabriel Fauré et René Fauchois, dans une lettre de remerciements à MM. les directeurs de l’Opéra-Comique, ont cité les premiers, — comme il convenait, — « les noms, éloquents par eux-mêmes, de Rousselière et de Germaine Lubin. » Souscrivons à cet éloge en imitant cette réserve. Nommons avant tous les autres les deux principaux