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On lui a répété que les réserves de Foch avaient depuis longtemps disparu, si elles avaient jamais existé : il les voit affluer sur les champs de bataille. On lui a raconté qu’avant l’offensive de mars, grâce aux troupes ramenées de Russie, les Puissances centrales possédaient désormais la supériorité numérique ; depuis, au cours de l’offensive, il a lu les bulletins officiels relatant les pertes extraordinaires des armées de l’Entente et les pertes insignifiantes des armées allemandes ; il en a conclu que, maintenant plus que jamais, les forces de l’Allemagne doivent surpasser celles de l’ennemi. Or, voici qu’à chaque nouveau repli, on lui explique, pour justifier la retraite, que les Allemands se sont trouvés en face d’ « une quantité stupéfiante de divisions ! » On lui jurait, il y a quatre mois, que la victoire était certaine, que la paix serait conclue en automne, et, le 31 juillet, il peut lire dans un de ses journaux : « Nous ne pouvons plus espérer que la campagne d’été, — au cours de laquelle nous porterons certainement de nouveaux coups très durs à la puissance militaire ennemie, — puisse finir la guerre. Nous devrons combattre encore l’hiver et l’été prochains. » Le 3 août, c’est Ludendorff lui-même qui déclare froidement : « Notre offensive du 15 juillet n’a pas réussi au point de vue stratégique... » Pour relever les courages, le prince Henri de Prusse affirme, il est vrai, que l’attaché militaire turc lui a dit : « Je considère cette bataille de la Marne comme une victoire allemande. » Malheureusement, dans toute l’Allemagne, il ne reste plus que ce Turc pour partager l’optimisme de l’agence Wolff.

L’offensive franco-britannique du 12 août accroît encore l’inquiétude. Les militaires s’en prennent au brouillard, les pangermanistes à Kühlmann, qui a découragé les soldats par ses propos défaitistes, les socialistes aux pangermanistes, qui, au mois de mars, ont exigé la continuation de la guerre sur le front occidental. La foule, de plus en plus désemparée, accueille les rumeurs les plus sinistres.

Les journaux la morigènent.


Aux jours critiques de la guerre qui ne sont épargnés à aucun des belligérants, et que malheureusement, malgré la puissance incomparable, l’esprit de sacrifice et le génie du Haut Commandement, l’Allemagne doit aussi connaître, des bruits pessimistes tendent à se répandre. Ils prennent une telle ampleur qu’ils constituent un véritable