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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/641

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de fait. Il semble que Bossuet homme soit, alors et ici, moins modéré que ne l’est Bossuet controversiste.

Je le crois en effet. Et en regardant autour de lui je crois me l’expliquer,

En regardant d’abord le milieu catholique où il vit. Sans doute son père, le conseiller Bénigne, n’est pas fanatique. En 1655, précisément, le maréchal de Schomberg ayant fait opposition à la réouverture du temple de Courcelles près Metz, il y eut enquête sur les titres en vertu desquels les calvinistes prétendaient exercer leur culte à Courcelles, et, en 1656, de cette enquête un acte de notoriété sortait, « établissant leur possession depuis un temps immémorial. » Cette pièce est signée du père de Bossuet, et ce fut elle qui permit à deux notables du protestantisme messin. Le Duchat et Bancelin, d’obtenir de la Cour l’autorisation refusée par Schomberg[1].

Mais le clergé n’était pas aussi tolérant, le haut clergé du moins, trop cupidement attaché, nous l’avons assez vu et le verrons encore, à ses privilèges et à ses profits, pour ne pas traiter en ennemis ces dissidents qui le diminuent. Tel était le cas de Mgr dom Martin Meurisse, ce suffragant auquel Henri de Verneuil avait confié l’administration de son diocèse, jusqu’en 1642 où Meurisse mourut. Lui, c’est l’anti-huguenot furieux. Lisez plutôt sa significative Histoire du Progrès et de la Décadence de l’hérésie à Metz. La décadence, il la proclame bien entendu ; mais il confesse aussi la persistance du mal. Et il invective les « bêtes puantes, » le « dragon infernal, » et il déplore la nécessité d’État, qui « oblige » les catholiques de Metz « à converser parmi les serpents. » L’honnête Bédacier, qui lui succéda, était moins combatif sans doute ; — mais ceux qui ne désarment point, ce sont les chanoines, confrères de Bossuet ; c’est le primicier ou princier du chapitre, l’abbé de Coursan : six ans plus tard, il sollicitera l’expulsion pure et simple, de Metz, de « toutes les familles protestantes qui s’y sont établies depuis moins de trente ans. »

Devenu un des chefs du Chapitre, le jeune archidiacre Jacques Bénigne a bien pu être forcé de suivre la troupe belliqueuse des anciens.

D’autant qu’à cette date, sur la même pente, d’autres de ses

  1. Thirion, Essai sur l’histoire du Protestantisme à Metz.