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chimie du xixe siècle avait été fondée au contraire sur la croyance à la différence essentielle des divers éléments chimiques ; pour un Lavoisier, un Moissan, un Berthelot, un atome de fer était une chose essentiellement différente d’un atome d’or et n’ayant rien de commun avec lui, rien qui pût faire imaginer la possibilité, même théorique, d’un passage de l’un à l’autre. Les éléments, tels que les concevaient ces chimistes, étaient par leur nature indécomposables et partant intransmutables.

Pourtant, dès le siècle passé, diverses découvertes physiques ont apporté des arguments nouveaux en faveur de la divisibilité des atomes des éléments. Il convient à ce propos de remarquer combien le langage scientifique est quelquefois absurde… au moins étymologiquement. Parler de la divisibilité d’un atome, c’est parler de diviser une chose qui, de par sa définition (ὰ, τέμνω) n’est pas divisible. Ainsi les mots comme les choses dévient souvent de la direction que leur avaient imprimée ceux qui les créèrent. Aussi, et négligeant, en faveur des règles de l’usage, celles de l’étymologie, définirons-nous, pour être clair, l’atome : la plus petite partie d’un élément chimique qui peut entrer en combinaison. Il est certain que pour désigner cela et ne pas préjuger de la nature exacte de cela, tout autre mot qu’atome conviendrait mieux. Mais l’usage est un tyran auquel il faut bon gré mal gré se soumettre quand on écrit, sinon quand on pense.

J’ai déjà expliqué naguère, à ceux qui veulent bien me lire ici, ce qu’est le spectre d’un corps chimique, et comment par exemple la lumière que produit le fer lorsqu’on fait éclater une étincelle électrique entre deux pointes de ce métal, est disséquée, après avoir été étalée par un prisme de verre, en toute une série de raies brillantes.

Ces raies placées les unes par rapport aux autres dans des positions invariables et dont les unes sont jaunes, les autres rouges, les autres vertes, violettes ou bleues, selon qu’elles se trouvent dans la région du spectre qui correspond à telle ou telle couleur de l’arc-en-ciel, forment un ensemble caractéristique du fer, de même que les diverses vibrations et harmoniques émises par un violon permettent d’identifier immédiatement cet instrument à l’exclusion de tout autre.

Les lecteurs se rappellent également, sans doute, comment cette particularité du spectre des divers corps, a permis d’analyser chimiquement, par leur lumière, les plus lointaines étoiles, et d’y retrouver, — merveille de l’unité universelle ! — les mêmes éléments, les mêmes métaux que notre terre cache dans ses flancs refroidis. Ils se rap-