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pensionnaire ? La personne de l’enfant, — endormi peut-être, — ne leur inspira-t-elle aucun soupçon ? On ne sait pas. Par Madame Royale seulement on est quelque peu renseigné sur les circonstances de cette insolite inspection : « À la fin d’octobre, écrit-elle, comme je dormais, à une heure du matin, on ouvrit ma porte ; je me levai ; j’ouvris (sic) et je vis entrer deux hommes du Comité avec Laurent ; ils me regardèrent et sortirent sans rien dire. » Quelle anomalie avait donc inquiété les deux Conventionnels, au cours de leur visite à l’étage inférieur, pour qu’ils témoignassent chez la prisonnière une hâte si laconique ? Ce réveil d’une jeune fille en pleine nuit, sans un mot d’excuse ou d’explication, le silence gardé le lendemain, au sujet de cette visite, par Laurent, d’ordinaire si prévenant et si empressé envers la détenue, — qui dut pourtant le questionner, — indiquent tout au moins de l’étonnement, voire de l’émotion, dont le compte rendu des délégués du Comité ne révèle point la cause : on voit seulement que, sur leur rapport, le Comité de sûreté générale « requit le commandant de la force armée parisienne de donner les ordres les plus sévères pour prévenir même l’apparence de possibilité d’évasion ; » et ce texte, volontairement obscur, montre seulement que l’alarme avait été chaude.

Laurent s’en tirait, cependant, sans dommage : seulement, il fut décidé qu’on lui adjoindrait, dans le délai de deux jours, un « républicain éprouvé » pour l’assister dans sa besogne et que, dorénavant, les Comités civils des sections de Paris enverraient tour à tour au Temple un de leurs membres pour y monter la garde durant vingt-quatre heures ;, » mais « de manière que chacun de ces commissaires ne puisse faire le service plus d’une fois dans l’année, » précaution singulière dont les motifs demeurent aussi troubles que les autres incidents de cette visite nocturne.

Le service des commissaires civils commença aussitôt ; dès le 29 octobre, les sectionnaires vinrent, un par un, s’ennuyer durant vingt-quatre heures au rez-de-chaussée de la Tour ; mais le « républicain éprouvé » n’arriva que le 8 novembre. C’était un petit bourgeois de trente-huit ans, Parisien de naissance, nommé Gomin ; et si l’on pouvait s’étonner de quelque chose dans cette inextricable histoire, ce serait de ce que le Comité de sûreté générale n’eut pas, en dix jours, trouvé dans