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sait que pour elle les traités ne valent que si la force de les faire exécuter existe. L’alliance de l’Angleterre, des États-Unis et de la France demeure la condition de la sécurité du monde, et tant que les États-Unis ne se sont pas prononcés, l’alliance franco-anglaise est la base de toute politique. Tel est le fait, et il donne aux négociations qui se poursuivent à Londres toute leur portée. Il faut bien avouer que la politique anglaise n’a pas toujours paru en ces derniers temps aussi définie dans sa direction qu’on aurait pu le souhaiter. C’est M. Lloyd George qui a engagé les Alliés dans l’affaire de la livraison des coupables au temps où il menait sa campagne électorale, et c’est lui qui a été le premier à la trouver moins importante en ces derniers jours, laissant ainsi à la France l’apparence de tenir seule à une clause dont elle n’était pas l’auteur responsable. Les Allemands n’ont pas manqué de tirer parti de ces circonstances, et il suffit de lire leurs journaux pour s’en apercevoir. C’est d’Angleterre aussi qu’est venue l’idée qu’il faudrait reviser le traité, et bien que le discours de lord Curzon ait été en réalité plus mesuré dans les expressions que les résumés télégraphiques ne l’avaient dit, l’effet sur l’opinion n’en a pas été moins produit. M. Asquith, qui fait campagne pour son élection, a prononcé des paroles qui ont étonné bien davantage encore : il a indiqué qu’il faudrait peut-être modifier les idées sur les réparations dues par l’Allemagne et réclamer d’elle une somme forfaitaire, ce qui est bien soutenable, mais il a cité un chiffre tellement faible qu’il réduirait à rien pour les pays qui ont le plus souffert l’indemnité qui leur est due et qu’il est inférieur à celui qui a été proposé par l’Allemagne elle-même. M. Asquith, il est vrai, n’est pas au pouvoir, et son discours n’est qu’un acte de candidat. On est amené cependant à se demander si certains milieux britanniques n’hésitent pas sur la politique à suivre à l’égard de Berlin et ne se font pas une conception incertaine de la manière d’appliquer le traité. Cette question est d’autant plus intéressante pour notre pays que l’Angleterre n’a cessé de jouer un très grand rôle pendant toutes les négociations de paix. M. Lloyd George a souvent fait prévaloir ses idées. Il tient d’autant plus à garder cette situation privilégiée qu’il en a besoin pour consolider son pouvoir à l’intérieur et pour maintenir la coalition des partis de plus en plus fragiles dont il est le chef. À l’occasion des négociations de Londres, il vient de signer les notes envoyées par les Alliés, bien que le président de la Conférence demeure le Président du Conseil français. Nous avons donc besoin de