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La neutralité italienne d’août 1914 est donc la résultante d’une politique antérieurement définie et pratiquée de part et d’autre. Elle est l’exécution scrupuleuse d’engagements dans lesquels une œuvre diplomatique féconde avait trouvé son expression matérielle et sa consécration.

Le constater n’enlève rien de sa spontanéité ni de sa valeur à l’élan populaire qui a approuvé la neutralité de l’Italie. Le sentiment d’un peuple qui n’eût pas toléré de s’associer à une agression contre la France, de prendre les armes en faveur de l’Autriche, ne perd rien de sa noblesse à ne pas avoir été le seul, ni même le principal facteur de la décision gouvernementale. En revanche, il est intéressant que l’opinion publique italienne se soit, sans le savoir, trouvée pleinement d’accord avec des engagements pris par son Gouvernement et ignorés d’elle, qu’elle ait approuvé, en même temps qu’un acte, toute la politique dont il procédait. Car il apparaît ainsi combien cette politique, combien les engagements auxquels elle avait abouti correspondaient exactement aux vœux du peuple italien, à ses tendances, à la conception que, spontanément, il se faisait de son rôle.


II. — LA CRISE DE LA NEUTRALITÉ

Le bénéfice de la politique synthétisée par les accords franco-italiens ne s’est pas limité, pour la France, à la neutralité de l’Italie. Il s’est étendu, à l’intervention de celle-ci en notre faveur ; car, dans cette intervention, il convient de voir d’abord la conséquence indirecte de sa position diplomatique par rapport aux deux groupes de belligérants.

En droit, l’Italie pouvait incontestablement rester neutre ; ses engagements envers nous n’excédaient pas le maintien d’une stricte neutralité. Pas un mot des accords passés entre son Gouvernement et le nôtre, et contenus dans les limites d’une absolue compatibilité avec le traité défensif de la Triple Alliance, ne visait le cas d’une collaboration militaire entre les deux pays.

Ceci posé, l’Italie pouvait-elle, en fait, demeurer neutre, jusqu’à la fin du conflit européen ? Non.

En fait, elle ne le pouvait qu’on compromettant gravement ses intérêts les plus sacrés, en souscrivant, pour ainsi dire, à sa