Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propre déchéance. Une grande Puissance, dont les intérêts multiples, chez elle-même et au dehors, dans son existence économique, sur ses frontières, dans bien des régions du monde, se trouvaient mis en cause et comme impliqués dans le conflit, n’en pouvait rester définitivement spectatrice passive. Un pays de 40 millions d’habitants, géographiquement compris entre les territoires de deux des principaux belligérants, la France et l’Autriche-Hongrie, ne pouvait pas ne pas intervenir, tôt ou tard, activement, d’un côté ou de l’autre. La neutralité ne pouvait être pour lui qu’un état provisoire.

C’est là que l’on retrouve pour la seconde fois l’utilité et l’influence des accords en vertu desquels l’Italie était restée neutre. Dès l’instant qu’elle avait reconnu le caractère d’agression de la guerre déchaînée par ses propres alliés ; que, en raison même de cette agression, elle s’était conformée à l’obligation contractée envers nous de proclamer sa neutralité, elle se trouvait conduite à ne sortir de la neutralité, si elle en sortait, que pour faire la guerre à nos agresseurs.

Tout indique que le Gouvernement italien n’a pas tardé à discerner la nécessité pour lui d’intervenir par les armes, dans un délai plus ou moins éloigné ; et ce qui suffit à le prouver est le fait qu’il s’y est préparé. Inversement, rien ne permet de supposer qu’il ait admis un seul instant l’idée de prendre parti pour nos ennemis. Leurs efforts mêmes n’ont bientôt tendu qu’à le retenir dans la neutralité. À cette fin, toutefois, les sollicitations ne lui ont pas manqué. Combien elles ont été pressantes, réitérées, la campagne diplomatique dont Rome a été le théâtre, d’août 1914 à mai 1915, en fait suffisamment foi. Rarement gouvernement a été plus obsédé, opinion publique plus travaillée que ne l’ont été, par les représentants des Empires Centraux, le Gouvernement Italien et l’opinion publique de la péninsule. Il y eut un réel mérite, de la part de ceux qui ont alors eu entre les mains les destinées de l’Italie, de la part du Roi Victor-Emmanuel, de M. Salandra, du baron Sonnino, de M. Ferdinando Martini, ce fidèle ami de la France, de leurs collègues du Cabinet, à ne pas dévier de la voie qu’ils avaient choisie et par laquelle ils s’acheminaient de la neutralité vers l’intervention aux côtés de l’Entente. Il y eut non moins de mérite, de la part de l’opinion publique, à réagir comme elle l’a fait contre l’audacieux travail des diplomates de Berlin