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REVUE LITTÉRAIRE

VIE D’UN ROMANTIQUE : BERLIOZ[1]

La vie de Berlioz est une aventure un peu extravagante, mais pathétique ; et le génie l’a consacrée. Une aventure romantique ? Assurément : puisqu’on appelle romantisme une certaine déraison. Mais il y a peu d’existences raisonnables au point qu’on veuille, à ce compte, les appeler classiques. Ou bien ne doutez pas qu’il n’y ait eu, en 1830, beaucoup d’existences classiques et, au Grand siècle, beaucoup d’existences romantiques. La jeunesse de Mademoiselle n’est pas moins déraisonnable que celle de Mme Sand ; et la vie du cardinal de Retz est plus romantique, en somme, que celle de Victor Hugo. Je ne crois pas que nulle époque ait jamais été parfaitement sage ou exactement folle. Tout au plus est-il vrai que parfois la raison fut à la mode ; puis la mode a vite changé : l’on s’est mis à trouver élégante ou poétique une exubérance un peu absurde. Encore les mœurs ne changent-elles point aussi promptement que la mode. Ce que touche la mode, c’est le vocabulaire, ce sont les manières et les dehors, non les âmes. Et Berlioz, avec tous ses cris, ses « Feu du ciel ! Enfer et damnation ! » ses cheveux au vent, ses brusqueries de désespoir et d’enthousiasme, le romantisme est son costume. Il a aimé, il a souffert, il a durement vécu et tout de même qu’en d’autres temps il eût aimé, souffert et durement vécu, par la faute de sa nature impatiente, par la faute de son génie et par la faute des hasards.

  1. Une vie romantique, Hector Berlioz, par Adolphe Boschot (Pion). Du même auteur, La jeunesse d’un romantique, Hector Berlioz, 1803-1831 ; Un romantique sous Louis-Philippe, Hector Berlioz, 1831-1842 ; Le crépuscule d’un romantique Hector Berlioz, 1842-1869.