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t-on pas, quand on est Français, de perdre le goût du terroir ? L’esthétisme, — pourtant si anglais chez Ruskin, — n’a-t-il pas toujours eu chez nous une teinte cosmopolite un peu inquiétante et déplaisante ?

Ce n’est pas le cas pour celui de Robert de la Sizeranne. Ce provincial a d’abord de profondes racines dans sa province natale. Et, s’il a trop couru le monde pour être un provincial de Paris, comme le sont la plupart des Parisiens, — il est devenu néanmoins un Parisien d’adoption, qui connaît merveilleusement tous les milieux de la capitale, aussi bien les milieux ouvriers que les milieux mondains, littéraires et parlementaires. Il est donc avant tout un Français, un homme de goût français, de tradition française, au sens le plus large du mot.

Au temps de sa prime jeunesse, on l’a même connu mondain. On l’a vu faire des grâces chez les belles dames de ce temps-là. Aujourd’hui encore, quand il parle du « Faubourg, » on sent que, pour lui, le Faubourg n’est pas un mythe, comme pourraient le croire certains esprits artificiels ou mal informés. Le Faubourg existe parfaitement. C’est une région réelle, dont il connaît la géographie et la frontière, les annexes, les colonies, les infiltrations et les contaminations. Mais, ce tribut une fois payé aux traditions de famille et aux belles manières, Robert de la Sizeranne s’est toujours plu de préférence dans les milieux intellectuels et littéraires. Il a fréquenté autrefois chez « M. Taine, » chez Gaston Paris, chez Melchior de Vogué. Robert de Bonnières lui a laissé le souvenir d’un causeur éblouissant. Et, comme nous tous, il a subi l’emprise de Ferdinand Brunetière, qui accueillit de la façon la plus flatteuse ses premiers essais et avec qui il se rencontrait dans les mêmes cercles littéraires et dans les mêmes milieux mondains. On peut dire que, parmi ses aînés, c’est Taine, Melchior de Vogué et Brunetière qui, seuls, ont pu exercer sur sa pensée, et même quelquefois sur son style, une certaine influence. L’exemple du premier a très évidemment contribué à développer son goût naturel pour les idées générales et les belles constructions logiques. Et il a dû peut-être au second de s’intéresser davantage à toutes les manifestations de la vie et de l’art modernes. Brunetière, qu’il n’a connu que déjà formé, déjà en possession de sa manière et de ses idées essentielles, Brunetière, à un certain moment, par