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Pour une superficie de 33 595 kilomètres carrés on comptait en Égypte en 1907 une population de 11 287 359 âmes, ce qui représente une densité de 335 habitants par kilomètre carré, proportion la plus forte qui puisse être observée dans le monde, sauf au Bengale. La densité de la population n’est que de 11 habitants par kilomètre carré aux États-Unis, de 74 en France (1906) et de 227 en Belgique, pays de l’Europe où elle est la plus forte. En 1907, le recensement de l’Égypte accuse 11 750 000 habitants, soit une augmentation moyenne annuelle de 146 000 habitants ; elle suit l’extension des superficies cultivables. On s’explique ainsi comment l’Égypte peut satisfaire à tous les besoins des nouvelles cultures. Le gouvernement envisage le dessèchement des lacs salés qui avoisinent Alexandrie, ce qui aura pour résultat d’offrir à la plantation du coton ou du riz d’immenses terrains. Les bras ne manqueront pas pour effectuer cette œuvre de longue haleine. Il se trouvera vite des fellahs pour se rendre acquéreurs des parcelles qui seront gagnées sur ces étendues marécageuses. La population égyptienne a fourni pendant la guerre au « Labour Corps » des équipes dociles et laborieuses, que l’on occupera aux travaux d’assèchement dont nous venons de parler. Auprès des pays d’Europe, anémiés et ruinés par la guerre, la position de l’Égypte, dont le sang vigoureux se renouvelle sans cesse, et reçoit chaque année un afflux nouveau, semble exceptionnellement avantageuse. Elle a tous les éléments voulus pour prospérer : une terre fertile, et surtout la main-d’œuvre indispensable pour mettre celle-ci en valeur.

A lire le récit des événements qui se déroulent actuellement en Égypte, on serait tenté de croire que le fellah a oublié ses habitudes séculaires de soumission et de passivité. Il n’en est rien ; les troubles qui ont ensanglanté l’Égypte sont d’origine citadine. Les intellectuels, et non les paysans, ont déclenché le mouvement. Celui-ci s’est traduit par des désordres dans les rues des principales villes, et n’a gagné les campagnes que parce que le fellah s’est rallié par tradition à la cause de ses anciens maîtres contre les Anglais, avec lesquels il n’a point assez de contact. On a beaucoup exagéré l’importance de ces révoltes. Les actes de pillage ont été peu nombreux, et ont eu presque tous pour auteurs, non des fellahs, mais des Bédouins, dont les tribus nomades, habitant sur les confins du désert,