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Ainsi que nous venons de le voir, certaines de nos glandes émettent, à l’inverse des glandes les plus connues, leurs produits de sécrétion dans le sang lui-même. Ce sont celles qu’on a appelées les glandes à sécrétion interne, et qui n’ont pas de canal excréteur.

C’est en 1855 que Claude Bernard, après avoir trouvé qu’il se forme dans le foie de la glycose, montra que ce sucre se déverse dans le sang des veines sus-hépatiques, et, saisissant du coup, avec l’intuition géniale qui le caractérisait, la haute signification de cette découverte, exprima pour la première fois la théorie des sécrétions internes. Voici d’ailleurs comment il concluait lui-même les admirables expériences qu’il Gt sur ce point : « L’histoire du foie établit maintenant d’une manière très nette qu’il y a des sécrétions internes, c’est-à-dire des sécrétions dont le produit, au lieu d’être déversé à l’extérieur, est transmis directement dans le sang. » Et plus loin : « Il doit être maintenant bien établi qu’il y a dans le foie deux fonctions de la nature des sécrétions. L’une, sécrétion externe, produit la bile qui s’écoule au dehors ; l’autre, sécrétion interne, forme le sucre qui entre immédiatement dans le sang de la circulation générale. » Et il ajoutait qu’outre le foie qui a des sécrétions les unes externes, les autres internes, « les organes qui fournissent les sécrétions exclusivement internes sont la rate, le corps thyroïde, les capsules surrénales, les ganglions lymphatiques. »

Remarquons l’expression consacrée de « corps thyroïde » dont se sert Claude Bernard. C’est que ces organes dont le rôle se montre aujourd’hui, et comme nous allons voir, essentiel, les anatomistes les considéraient encore récemment comme des objets inutiles, comme les restes d’organes en quelque sorte désaffectés et qui ne subsistaient dans le corps humain que comme les débris fossiles du mammouth ou de l’ichtyosaure subsistent dans nos terrains. C’est que, inconsciemment, les hommes ont eu trop longtemps, — et ont encore parfois, à ce qu’on dit, — tendance à considérer comme inexistant et indigne d’intérêt ce qu’ils ne connaissent pas. Et c’est ainsi qu’on appelait du nom vague de corps, sans même les honorer du titre de glandes, malgré leur constitution anatomique, ces glandes à sécrétion interne que sont le corps pituitaire suspendu à la base du cerveau, ou le corps thyroïde, placé au-devant du cou, et qui devient comme on sait le goitre quand il s’hypertrophie.

Si Claude Bernard a réellement découvert la sécrétion interne, il ne concevait la fonction des glandes qui la produisent que comme présidant à la composition du milieu intérieur du sang. « Je pense,