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qu’à quelques mètres de distance. C’est une magnifique décourerte française qui a rendu véritablement possible et pratique sur de grandes distances la radiotélégraphie : l’illustre et modeste Branly en fut l’auteur. Il montra que la limaille métallique, lorsqu’elle reçoit une onde électrique même très faible, même à grande distance, a la propriété d’être traversée soudain par le courant d’une pile ou d’une sonnerie auquel elle opposait normalement un obstacle insurmontable. Ainsi était trouvé r« œil électrique » qui permettait de déceler avec sensibilité et précision les ondes hertziennes et qui a rendu possibles tous les progrès ultérieurs de la T. S. F.

Il convient d’ailleurs de remarquer que la télégraphie optique telle que l’ont réalisée les frères Chappe et qui porta à la Convention les nouvelles des victoires de la Révolution, constitue également une télégraphie sans fil. La télégraphie sans fil, au sens propre du mot, est aussi vieille que le monde, ou plutôt de l’humanité (ce qui n’est peut-être pas tout à fait la même chose). Faire un signe de la main à quelqu’un, c’est faire de la télégraphie sans fil, de la télégraphie optique. Pourquoi la télégraphie optique a-t-elle néanmoins un emploi et une portée infiniment inférieurs à ceux de la télégraphie sans fil par ondes électriques ? Il y a à cela diverses raisons : d’abord, les ondes lumineuses que l’homme peut produire artificiellement sont sensibles à de bien moins gra’ndes distances que les ondes électriques. Il n’y a pas de phares dont les portées atteignent des centaines de kilomètres. Au contraire, les ondes électriques sont aujourd’hui perceptibles beaucoup plus loin grâce à la sensibilité exquise des appareils détecteurs dont l’appareil de Branly fut le père.

Ensuite, les ondes lumineuses se propagent en ligne droite et sont arrêtées parle moindre obstacle, la moindre brume, le moindre bout de bois. Si même nous pouvions faire des phares portant à des milliers de kilomètres, ils seraient inutilisables à cause de la courbure de la terre qui arrêterait les rayons. Au contraire, les ondes hertziennes traversent presque sans être absorbées un grand nombre de milieux tels que l’air, le bois, etc., elles ne sont réellement arrêtées que par les métaux et les eaux salées. En outre, grâce à leur grande longueur, elles peuvent contourner des obstacles absolument prohibitifs pour les ondes lumineuses, tels que les maisons, les collines, les accidents du terrain et la courbure même de la terre. Si j’ose employer cette comparaison, les ondes lumineuses et les ondes hertziennes sont dans leur propagation comparables à des serpents qui onduleraient sur le sol : une petite couleuvre ne pourra pas