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Mlle Valpreux est excellente dans un rôle de femme honnête, résignée et triste, dont la vertu ne va pas sans un peu de raideur. Mlle Ventura a très adroitement dessiné le personnage de l’artificieuse Christiane, et Mlle Bovy a bien dit son effroyable récit d’adultère et de chantage. M. Léon Bernard, dans le rôle du baron, est parfait de rondeur et de bonhomie. Et M. Georges Le Roy, dans celui de Jean Raidzell, a bien fait sentir le peu de consistance et l’irrésolution du personnage.


À l’Odéon Mademoiselle Pascal est une pièce intéressante qui ne prétend pas à être une pièce gaie. Nous sommes dans un milieu de bourgeoisie provinciale. Mlle Pascal a dû jadis épouser son cousin de Vayres qu’elle aimait et dont elle était aimée. Elle s’est heurtée à l’opposition de ses parents. Elle s’est sacrifiée. Ce cousin vient de mourir. Mlle Pascal est allée à l’enterrement, à Paris ; elle en ramène le jeune de Vayres, un adolescent, et l’installe chez ses parents. Nous ne doutons pas un seul instant que ce jeune homme ne soit son fils, et toute l’action consiste en effet à amener l’instant où mademoiselle sa mère lui dira « Mon fils » et où il se jettera dans ses bras en l’appelant « Ma mère, » comme aux plus beaux jours de Marie Laurent. Mais alors ce fils retrouvé s’éprend d’une jeune Américaine. Mlle Pascal est toute prête à s’embarquer avec le jeune couple pour le Nouveau Monde. Le jeune couple montre moins d’empressement à l’emmener. Donc, une seconde fois Mlle Pascal se sacrifie. Vraisemblablement ce ne sera pas la dernière. Car chacun a son lot ici-bas. Mlle Pascal a choisi sa part, et ce n’est pas la meilleure. Drame bourgeois un peu languissant, très larmoyant, mais qui témoigne, chez son auteur, de réelles qualités dramatiques. — Nous avons fort applaudi Mlle Jeanne Rolly, liés émouvante dans le rôle de Mlle Pascal, M. Debucourt et Mlle de Fehl.


Au Théâtre des Arts, la pièce de M. Lenormand, — qui déjà, à ce même théâtre avait donné les Possédés, — est toute imprégnée de ce genre spécial d’amertume et de pitié simpliste que le roman russe mit naguère à la mode. Les Ratés qu’il nous présente, ce sont ceux du théâtre, depuis l’auteur méconnu jusqu’au musicien « synthétique » qui finit par tenir le piano dans un beuglant. Mais cette galerie de bohèmes est-elle bien de chez nous ? Les nôtres, de Delobelle à Brichanteau, ont plus de bonne humeur. L’inconscient nihilisme des personnages donne ici à l’œuvre une couleur d’exotisme