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les mains pour anéantir un si beau privilège, que je vous supplie de vouloir bien conserver, et de ne me donner point l’affliction d’avoir, dans ce sujet, un sentiment contraire au vôtre. » (Ce n’était pas, hélas ! leur seul dissentiment.) « Le P. Milet — continue-t-elle, — qui veut que toutes filles indifféremment soient reçues en profession à Sainte-Glossinde, ne considère pas que c’est la seule vertu qui a établi la différence des nobles aux roturiers, et par ainsi, les personnes qui ont cette qualité sont plus propres à la religion, et on voit, par expérience, qu’elles réussissent beaucoup mieux en toutes choses. Nous en avons des exemples en notre Ordre, où les plus illustres saints et les plus grands hommes ont été de la plus haute qualité. Et si, dans la congrégation de ce bon Père, on n’y voit pas maintenant de grands saints, c’est peut-être parce qu’ils n’observent pis ce qui a été pratiqué, au commencement de l’Ordre, dans les maisons duquel n’entraient que des personnes de très grande condition. » Ce plaidoyer, fort intelligent, pour la noblesse se terminait avec astuce :


Je vous demande pardon, monsieur, si je vous ennuie d’une si longue lettre ; mais j’ai ce point tellement à cœur que je n’en saurais assez dire. J’espère que vous ne le trouverez pas mauvais, et qu’ayant la naissance et l’âme si noble comme vous l’avez, vous aurez la bonté de n’avoir point d’égard à ce qu’on vous demande contre ce droit, acquis à ma maison dès son commencement ; vous assurant que, pour tout le reste qu’il vous plaira d’ordonner, vous me trouverez fort soumise ; c’est une protestation qui part du cœur.


Elle n’alla point au cœur de Bossuet, ni ces flatteries à son amour-propre. On décida que seraient reçues à Sainte-Glossinde « toutes personnes ayant bonne vocation et les autres qualités requises. »

Cette décision d’avril 1664 fut, un an plus tard, par arrêt du Conseil du 14 juillet 1664, rendue exécutoire. Elle ne fut pas exécutée. Dès la fin d’août 1664, les religieuses en appelèrent. En septembre, Louise de Foix adressait une supplique au Roi. Puis, à la fin de décembre, la noblesse du pays messin, « se tenant pour offensée de la sentence, au chef (c’est-à-dire sur le point) qui intéressait la naissance, » intervint au procès. Forte de cet appui, Louise multipliait les factums. Bossuet, malgré « son âme si noble, » n’y fut point épargné : « Il ne sait pas le