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de Bossuet, et Bossuet l’archidiacre. Les lenteurs du pouvoir royal, toujours méfiant des interventions d’outre-monts, — la précaution prise par le Roi d’attribuer au « Conseil de Conscience » la procédure et le choix des enquêteurs, — les chicanes du Parlement, vétillant sur chaque virgule des brefs du Souverain Pontife, prirent onze mois. Bossuet et le doyen Jean Royer, nous dit Floquet, « durent plusieurs fois, à Paris, conférer avec Louis XIV lui-même. Cependant le Roi, lorsqu’ils prirent congé de lui à leur départ pour Metz, » — en juin 1664 probablement, — « leur recommanda fort l’énergie, et d’exiger une complète réforme. »

Leur enquête, où l’on nous dit que Bossuet tint le rôle principal, dura un mois et demi. Leur sentence (2 août 1664) fut formelle. Tout au plus faisaient-ils la part du feu, et des incorrigibles. Celles des religieuses qui, depuis trop longtemps, vivaient en chanoinesses séculières, continueraient à vivre à leur guise, à part toutefois, de peur de gâter les jeunes, et sous le contrôle de l’une d’elles. Mais le reste du couvent devait se réformer, l’Abbesse y comprise. A cet effet, son pouvoir serait limité par celui d’officières nouvelles, tirées d’autres couvents déjà réformés : prieure, cellerière et maîtresse des novices. En somme, on imposait à l’Abbaye et à l’Abbesse « une forme de communauté nouvelle soumise de tous points à l’observance réformée de la règle de Saint Benoît. »

Quant au recrutement purement aristocratique, Louise de Foix n’avait rien négligé pour le conquérir ou le maintenir. Le 21 juillet encore, elle conjurait Bossuet de lui accorder au moins cela. « Je vous supplierai, monsieur, — lui écrivait-elle, — de ne point toucher au privilège de la maison pour la réception des filles qui y entreront à l’avenir. Elles doivent, toutes, être de naissance et faire preuves de noblesse. Pour ce point, je ne saurais consentir de voir faire une loi si contraire au privilège que j’ai juré si solennellement de maintenir, » (elle ne dit pas qu’il était moderne), — privilège « qui est si honorable à ma maison » (ici, n’est-ce pas de sa famille qu’elle entend parler plus que de son couvent ? ) — « et si utile aux personnes de qualité qui servent le Roi et l’Etat » (on voit là le fond de sa doctrine monastique). « Privilège qui depuis plus de onze cents ans n’a pas été violé. » (C’est le point même qui était en question.) « Ce me serait une grande honte d’avoir donné