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immédiat de l’Allemagne, et, lorsqu’il a signé cette promesse d’assistance militaire à la France, malheureusement restée en suspens devant le Sénat américain, il obéissait, j’en suis sûr, non seulement au désir de fonder une paix durable, mais à une réelle sympathie pour notre nation. Quand nous le portions aux nues, nous perdions un peu la mesure ; nous ne la perdrions pas moins aujourd’hui en lui imputant la responsabilité de tous nos mécomptes.

Un de nos plus grands torts a été de croire, pendant de longs mois, que M. Wilson était, à lui seul, toute l’Amérique. Notre manie des personnifications ne nous a-t-elle donc pas causé assez de surprises et de déceptions ? Et ne ferons-nous jamais effort pour nous en guérir ? Je regrette que ce soit un Allemand d’origine, un peu fou, d’ailleurs » Anacharsis Cloots, qui ait autrefois donné à la France cet excellent conseil : « France, méfie-toi des individus. » C’est nous-mêmes qui devrions sans cesse nous répéter cette sage leçon. Qu’ils viennent du dehors ou du dedans, les individus nous cachent trop souvent les idées ; nous les applaudissons, au passage, sur l’écran du cinéma ; et lorsqu’ils disparaissent, nous sommes parfois tout étonnés de constater qu’il ne reste rien sur la toile. Du président Wilson il reste cependant un grand souvenir, et il serait injuste de vouloir l’effacer. Nous ne devons nous en prendre qu’à nous si, après sa défaite aux élections de 1918, nous avons persisté à ignorer son peuple. Après que le parti démocratique avait perdu la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants, nous avons continué à voir en M. Wilson la seule incarnation de l’esprit américain. Nous nous sommes imaginé qu’il avait le droit et le pouvoir d’imposer ses volontés au nouveau Sénat et que le traité rédigé sous son inspiration serait ratifié sans l’apparence même d’une difficulté. Un beau jour, nous nous sommes trouvés non plus en présence d’un homme, mais en présence de l’Amérique ; et la physionomie de l’Amérique n’avait plus la moindre ressemblance avec la physionomie de M. Wilson.

Que nous ménagent les États-Unis pour la grande échéance du 4 mars ? Jusqu’ici, M. Harding s’est surtout occupé des innombrables questions de politique intérieure qui sollicitent immédiatement son activité. Il a eu, à Marion, en vue de la formation de son Cabinet, une longue série de conférences, où il s’est entretenu avec ses visiteurs de problèmes économiques et financiers, du programme naval et militaire des États-Unis et de la défense du canal de Panama. Le nouveau Président n’a pas caché que ces conversations lui avaient laissé quelques désillusions et il s’est plaint, à Columbus, de trouver