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ses vieux amis « étrangement lointains » et de rencontrer déjà, sur sa route, des intrigues et des mensonges. C’est le sort de tous les hommes d’État. M. Harding ne peut échapper à la règle générale. Il s’habituera à voir la politique de près. Le spectacle n’est pas toujours très réjouissant.

Mais que pense-t-il de l’attitude à prendre par son pays dans le règlement de la paix européenne ? Il a parlé de la France avec une bienveillance marquée et nous ne doutons pas des sentiments qu’il professe pour nous. M. Herrick s’en était porté garant, avant l’élection présidentielle, dans son dernier voyage à Paris. Les Allemands retombent certainement dans la grossière méprise qu’ils commettaient au cours des hostilités, lorsqu’ils croient maintenant l’Amérique disposée à les décharger de leurs lourdes responsabilités. Comme le disait très justement M. Louis Dubois à M. Boyden, « l’Amérique ne peut pas, elle ne doit pas oublier qu’appelée par son esprit d’honneur, elle a fait traverser l’Océan à ses meilleurs fils, elle a pris part à la guerre universelle, elle a participé à l’élaboration du Traité, et voulu que justice nous fût rendue. » Mais traduire ces sentiments dans les faits, définir et mettre en pratique cette solidarité franco-américaine, reprendre en commun le travail interrompu, c’est la grande œuvre à laquelle nous devrons nous consacrer dans quelques jours. Tenons-nous prêts pour ce nouvel effort.

En attendant, nous avons recommencé à Londres les conversations engagées naguère à Paris, tant à propos du traité de Sèvres qu’à propos du traité de Versailles. Sur les deux points, la tâche qui incombe à M. Briand et à ses collaborateurs est extrêmement ardue et je me garderais bien de dire un mot qui la pût compliquer. Tout ce qu’il est permis de faire, en ce moment, c’est d’indiquer précisément quelques-unes des difficultés probables, d’examiner des hypothèses et d’exprimer des souhaits.

Il n’y a point à nous dissimuler, d’abord, que les deux gouvernements britannique et français ont abordé l’étude des affaires orientales dans un état d’esprit très différent. Le traité de Sèvres n’a plus guère, à Paris, que des adversaires. Il est impossible de savoir maintenant qui l’a négocié. Tout le monde se défend d’y avoir collaboré. C’est un étonnant phénomène de génération diplomatique spontanée. De l’autre côté du détroit, on paraît, au contraire, plus fermement attaché à ce Traité. On conserve évidemment la pensée d’utiliser en Orient l’armée et la marine grecques comme auxiliaires ou, plus exactement même, comme remplaçantes, des troupes et des escadres