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l’examen de la bibliothèque dans cette forteresse, où les sectaires avaient mélangé avec des Corans et toutes espèces de livres précieux, une multitude d’écrits mensongers et de traités erronés touchant leur doctrine et leurs croyances, il trouva un ouvrage en un seul volume contenant les événements de la vie de Hasan Sabâh, et que les Ismaéliens appelaient : Aventures de notre Seigneur… » Djoueiny a gardé de nombreux extraits de cette autobiographie. J’en ai fait usage, tout au cours de cette notice. Ils me donnent à penser que, dans ce travail, Hasan avait voulu, avec mille précautions, transmettre sa pensée aux chefs futurs de la secte. C’est un manuel de conduite qu’il leur dédie. Il y vise à former d’autres Hasan. Lui qui doit tout à la tradition d’Abdallah, il pressentait quelque Rashid-Sinan, à qui il cherche à communiquer le legs du passé, enrichi de ses expériences propres. Oh ! certes, les chefs de la secte parlaient à chacun son langage. Ils entourent leur pensée d’une multitude de voiles qu’ils ne déroulent que les uns après les autres, selon les degrés de l’initiation, et jamais ne la mettent à nu que pour le chef suprême. Pour eux la divulgation du secret s’appelle l’adultère. Toutefois le mémorial de Hasan nous eût guidé, comme nous guident, en dépit des déguisements et des réticences, les Mémoires qu’un Charles-Quint joignit à son acte d’abdication pour son fils.

À défaut de confession directe, un autre moyen de connaître l’homme dans Hasan, serait d’examiner le catalogue de cette bibliothèque d’Alamout où il vivait. Il serait du plus vif intérêt de le suivre dans ses lectures. Nous approcherions ses pensées de derrière la tête, le secret et le ressort de sa domination. J’estime que la liste n’en est pas impossible à établir. On devrait y trouver à peu près tous les ouvrages que nous savons qu’Omar Khayyam lisait vers le même temps.

« Omar al Khayyam, Imâm du Khorassan, le plus grand savant de son temps, connaissant toutes les sciences grecques. Il exhortait les hommes à chercher le Dieu unique, créateur de toutes choses, en purifiant les actes matériels pour atteindre à la sanctification de l’âme. Il recommandait aussi l’étude de la politique, telle qu’elle est exposée chez les auteurs grecs. Les derniers Soufis se sont attachés au sens apparent d’une partie de ses poèmes et les ont pliés à leurs propres dogmes, en faisant un sujet de discussion dans leurs assemblées et leurs conventicules,