Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Coran et surtout des versets obscurs. Ils en tiraient des sens cachés. Hasan Sabâh ferma entièrement la porte de l’enseignement et de la science. Sa réforme, ou, comme on dit, la « nouvelle prédication, » annonce que la connaissance de Dieu ne s’obtient pas par la sagesse ou par une étude attentive, mais par l’initiation de l’imâm… La spéculation et l’étude isolée ne servent de rien ; on ne peut parvenir à la science véritable (et ainsi faire son salut) que par une soumission entière aux décisions du Pontife infaillible… Se donner lui-même pour l’imâm, Hasan ne l’ose pas ; mais il a près de lui l’enfant qu’il a ramené d’Égypte, le fils de Nizar, le descendant, affirme-t-il, de Mohammed, fils d’Ismaïl. « L’Imâmat qui appartenait jadis à son père, maintenant lui appartient. Les hommes ne peuvent se passer d’un instituteur ; le vôtre est cet enfant. Obligation de lui obéir. Lorsqu’il sera satisfait de vous, vous serez heureux dans ce monde et dans l’autre. Vous n’avez besoin de rien autre chose que d’obéir à l’instituteur. »

Tel est le message de Hasan, et le nouvel enseignement dont il nourrit ses fidèles. Un grand pas doctrinal ! Et pourtant, il n’a pas atteint son but dernier. Il hésite. Il lui faudrait être l’imâm.

Comment y parvenir ? Avec le temps. Ses successeurs pourront ce qu’il ne lui est pas permis d’oser.

À condition qu’ils soient capables…

Et alors Hasan fixe son regard sur ses fils, et les pèse. Il ne reconnaît pas en eux les héritiers de son génie. La chronique dit : « Il avait deux fils ; on les accusa de boisson et de fornication ; il les fit périr sous le fouet. »

Cette décision atroce achève de me persuader que nous ne sommes pas là devant un comédien qui exploite pour son avantage propre une idée religieuse, mais devant un fanatique dévoué au but idéal pour lequel il multiplie les crimes. Et plus que jamais nous voudrions dépasser les doctrines de Hasan, connaître ses passions, ses doutes s’il en eut, sa poésie, ses modèles, connaître l’homme lui-même !

Ah ! si nous avions cette autobiographie que l’on gardait dans la bibliothèque d’Alamout, où il l’avait écrite, au cours de ses longues heures de solitude. L’historien Djoueïny raconte : « Quand l’auteur de cette histoire, au lendemain de la prise d’Alamout et sur l’ordre du prince royal Houlagou, procédait à