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1 200 petits juifs et leur enseignent le français avec l’amour de la France ; — chez les Mariamettes enfin.

Les sœurs Mariamettes sont des religieuses arabes, recrutées, formées, dirigées par les Pères jésuites, qui leur ont confié ici trois écoles populaires de filles. Sur leurs 540 élèves, 180 apprennent le français. J’écoute les plus petites chanter et mimer une espèce de poème alterné, et des rangs des grandes une jeune poétesse surgit qui me déclame des vers de sa composition, où se déploie la plus belle emphase orientale. Je félicite ces enfants et leurs maîtresses ; à tout ce monde arabe, j’exprime l’amitié de la France.

Les religieuses au teint doré portent la main à leur tête et à leur cœur :

— Nous ne faisons que notre devoir, disent-elles avec humilité ; nous le faisons pour Dieu.

— Dieu, mes Sœurs, sera renseigné directement et par l’intermédiaire des Pères jésuites.

J’hésitais à aller chez les Franciscains, où la France, m’a-t-on dit, est toute submergée par l’Italie. Le Consul m’engage à surmonter mon déplaisir. Il a raison : je suis reçu au son de la Marseillaise. Et nous voilà dans une grande pièce, haute, solide, ancienne, où nous prenons le café avec des moines de nationalités étrangères. Conversation courtoise, mais prudente et gênée par l’accent. J’essaie de savoir s’il y a des Français parmi mes hôtes. Chuchotements, sans réponse nette. L’un d’eux vient dire : « Tout est prêt ! »

Nous passons dans la cour. Deux cents écoliers nous attendent en bon ordre, et l’un d’eux se détache pour me faire un des discours les plus chauds du cœur, les plus français, que j’aie entendus. Je réponds en ayant soin de ménager toute cette Italie dont je persiste à me croire entouré. J’insiste sur la culture occidentale dont les foyers sont Athènes, Rome et Paris. Là-dessus, nouvelle Marseillaise.

Le supérieur fort gracieusement m’invite à parcourir les salles, les dortoirs, la chapelle. Je ne songe qu’à me rendre compte de ce qui peut rester là de français. Il faut remercier et prendre congé. Encore une Marseillaise ! Elle me serre le cœur, dans la nuit qui tombe, cette musique, tandis que je m’éloigne.

Un galop derrière moi dans la rue. Un vieillard essoufflé me rejoint et me dit :