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Elle doit son existence et son nom au dernier empereur, dom Pedro. J’admire que la Révolution de 1889 ait respecté sa statue : on m’apprend que cet hommage lui a été rendu après sa chute. Il reste le moderne Marc-Aurèle, dont le souvenir est entouré du respect universel et de la reconnaissance nationale.

Après un diner de soixante-cinq couverts, un grand bal réunit à bord du Jules Michelet toute l’élite du monde brésilien. Le sympathique ministre de la Guerre, M. Calogeras, ainsi que le chef d’état-major général, l’ambassadeur de France, la mission militaire française viennent nous faire leurs adieux, et nous appareillons pour Bahia le 22 à 7 heures du soir.

A Bahia, nous attire une colonie française particulièrement vivante et intéressante. La municipalité est en procès avec les constructeurs français de son beau port, et l’Etat de Bahia a quelques contestations avec d’autres entreprises également françaises, mais heureusement je n’ai pas à connaître ces difficultés momentanées et locales : rien ne m’empêche d’accepter l’invitation des anciens combattants, et ce sont eux qui m’ont reçu avec une touchante émotion. Il y avait de longues années qu’un bâtiment de guerre français n’avait été vu dans ces parages, et notre pavillon ne se montre que beaucoup trop rarement. Porté par un beau croiseur comme le Jules Michelet, sa vue était particulièrement réconfortante pour nos nationaux.

Quelle réception, quelle chaleur de cœur chez les bonnes sœurs de Saint-Vincent de Paul et chez les Ursulines françaises ! Vraiment, notre visite était inespérée et la joie qu’elle cause va droit à nos cœurs qui devraient être blasés sur ce spectacle tant de fois renouvelé ; mais il semble que nous sommes dans un pays encore plus éloigné, où toute marque de sympathie venant de la mère patrie parait un inexprimable bonheur.

J’ai visité une vieille église portugaise et quelques restes de fortification qui, pour cette ancienne cité, sont comme des titres de noblesse. La ville est tout à fait tropicale, et la population très noire. Elle nous a fait un accueil vraiment chaleureux, bien que la municipalité ait cru devoir rester en dehors de toute manifestation. Le président de l’Etat, qui, par un vieux souvenir, porte le titre de gouverneur, était en tournée ; mais les troupes rendaient les honneurs et d’aimables attentions m’ont accueilli.