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maintenir ? En supposant qu’elle contînt audessous d’elle l’immense bouillonnement de tant d’existences réduites au désespoir, où chercherait-elle, où trouverait-elle son aliment ? S’emparerait-elle du monde pour le rendre tributaire de sa tyrannie industrielle ? Remplacerait-elle sur les mers celle longue et odieuse domination du pavillon de Saint-Georges ? Recommencerait-elle l’Angleterre ? Mais, d’abord, il faudrait courir étouffer les Anglais dans leur île, sauf à faire revivre, pour le malheur des peuples, la tradition de leurs brigandages. Tout cela fût-il possible, tout cela viendrait fatalement aboutir à la taxe des pauvres et au chartisme. Pour en venir à de telles extrémités, ce ne serait pas la peine vraiment de mettre l’univers au pillage.

Que prétendent et qu’espèrent les publicistes du régime actuel, lorsqu’à demi convaincus de l’imminence du péril, ils s’écrient, comme faisaient dernièrement le Constitutionnel et le Courrier Français :

« Le seul remède est d’aller jusqu’au bout dans ce système ; de détruire tout ce qui s’oppose à son entier développement, de compléter enfin la liberté absolue de l’industrie par la liberté absolue du commerce. » Quoi ! c’est là un remède ? Quoi ! le seul moyen d’empêcher les malheurs de la guerre, c’est d’agrandir le champ de bataille ? Quoi ! ce n’est pas assez des industries qui s’entre-dévorent au dedans, il faut à cette anarchie ajouter les incalculables complications d’une subversion nouvelle ? On veut nous conduire au chaos.

Nous ne saurions comprendre non plus ceux qui ont imaginé je ne sais quel mystérieux accouplement des deux principes opposés. Greffer l’association sur la concurrence est une pauvre idée. C’est remplacer les eunuques par des hermaphrodites. L’association ne constitue un progrès qu’à la condition d’être universelle. Nous avons vu, dans ces dernières années, s’établir une foule de sociétés en commandite. Qui ne sait les scandales de leur histoire ? Que ce soit un individu qui lutte contre un individu, ou une association contre une association, c’est toujours la guerre, et le règne de la violence qui ruse, et la tyrannie avec du fard. Qu’est-ce, d’ailleurs, que l’association des capitalistes entre eux ? Voici des travailleurs non capitalistes : qu’en faites-vous ? Vous les repoussez comme associés : est-ce que vous les voulez pour ennemis ?

Dira-t-on que l’extrême concentration des propriétés mobilières est combattue, tempérée par le principe du morcellement des héritages, et que la puissance bourgeoise, si elle se décompose par l’industrie, se recompose par l’agriculture ? Erreur ! Erreur ! L’excessive division des propriétés territoriales doit nous ramener, si on n’y prend garde, à la reconstitution de la grande propriété. On chercherait vainement à le nier : Le morcellement du sol, c’est la petite culture, c’est-à-dire la bêche substituée à la charrue, c’est-à-dire la routine substituée