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sanitaires. On se demande comment ces messieurs se résignent à promener leurs personnes gratis sur nos boulevarts, sans avoir tarifé les regards du passant…»

Il y a pourtant dans cette association littéraire, si rudement, si spirituellement attaquée par M. de Latouche, des hommes honorables, des hommes de cœur. Mais combien dont l’âme est pure, et qui se trompent avec le grand nombre ! Observons en passant qu’il est très ridicule d’aller répétant sans cesse, comme font certaines gens, qu’il faudrait commencer par la réforme des mœurs, que nous ne sommes pas assez vertueux pour vivre dans un ordre social meilleur, et autres banalités de ce genre. Mais cet égoïsme que chacun dénonce, c’est le milieu même où nous vivons qui l’a créé, qui l’alimente. Les rapports noués aujourd’hui entre les hommes se réduisent forcément à ceci : S’enrichir avec les dépouilles du voisin. Comment ne s’aperçoit-on pas que la concurrence dans l’ordre matériel, a pour corrélatif nécessaire dans l’ordre moral, l’envie et l’égoïsme ?

La fatigue nous prend, et la plume nous tombe des mains. C’est assez d’avoir sondé tant de plaies, dénoncé tant de turpitudes, prédit tant de tempêtes.

Cependant, pour arriver à une révolution sociale, il faut de toute nécessité prendre son point d’appui dans les données que la société présente. En d’autres termes, ce qu’il importe de trouver, c’est moins une formule mathématique qu’une solution pratique.

Robert Owen n’a pas été un réformateur pratique, lorsqu’il a prêche la vie en commun et voulu fonder la répartition des fruits du travail sur les besoins, dans une société où cette répartition n’est pas même fondée sur les services.

Les Saint-Simoniens n’ont pas été des réformateurs pratiques, lorsqu’ils ont demandé l’abolition de la famille et la destruction immédiate du principe d’hérédité.

Charles Fourier n’a pas été un réformateur pratique, lorsqu’il a mis la distribution de tous les travaux, industriels ou agricoles, à la merci du caprice individuel, et qu’il a fait entrer dans son organisation sociale tout, excepté l’idée de pouvoir.

Mais que d’idées puissantes remuées dans tous ces travaux, dans ceux de Fourier surtout ! Un écrivain laborieux et intelligent, plein de verve et de cœur, M. Louis Reybaud, vient de publier un fidèle et lumineux exposé des théories émises par ces trois audacieux réformateurs : Charles Fourier, Saint-Simon, Robert Owen. Nous pourrions dire avec quel art infini et quelle mesure M. Louis Reybaud a accompli sa tâche, quel attrait il a su donner à des matières que beaucoup trouvent arides, et combien sa méthode est sûre, combien son style est élégant et clair ; mais ce que nous devons par dessus tout constater, c’est le service qu’il