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Page:Revue générale de l'architecture et des travaux publics, V1, 1840.djvu/15

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primitives par un certain nombre de fenêtres qui éclairent le gynécée, ou tribune des femmes. A l’église de Sainte-Sophie, ces fenêtres sont de très-grande dimension, demi-circulaires, et divisées en trois parties par deux colonnes, qui soutiennent une clôture formée de tables de pierre fort minces, et percées d’un grand nombre de trous par lesquels passe la lumière.

Au-dessous des fenêtres du premier étage, ou tribune des femmes, sont pratiquées les portes qui donnent accès au porche ou narthex du temple. Ces portes se composent ordinairement d’un chambranle en marbre ou en pierre, décoré de moulures très-refouillées, et dont les profils ont une grande analogie avec ceux de l’Antiquité grecque. Au-dessus du linteau, ou pièce transversale du chambranle, un arc en plein cintre, construit en pierre et quelquefois en brique, forme une décharge qui protège la porte contre le poids de la construction supérieure.

Les basiliques byzantines de la première époque sont surmontées d’un seul dôme. C’est ainsi que se présente l’église de Sergius et Bacchus (Chutchuk agia Sophia) à Constantinople. La grande église de Sainte-Sophie, dans la même ville, est couronnée d’une grande coupole centrale et de deux demi-coupoles qui couvrent les deux portions courbes situées à l’orient et à l’occident de la nef[1]. Ces dômes primitifs sont généralement de forme pesante et écrasée, différents en cela de ceux qui furent exécutés plus tard et que supportent des cylindres ou tambours élevés. Un grand nombre de petites fenêtres cintrées, très-rapprochées les unes des autres, sont ouvertes à la base de ces dômes anciens, et destinées à éclairer la coupole à l’intérieur. Elles produisent un effet de lumière si brillant, que la coupole semble en quelque sorte isolée du monument.

Eusèbe, décrivant l’église des Saints-Apôtres, élevée par Constantin, dit que le dôme était couvert de bronze pour préserver l’édifice des eaux pluviales. Il ajoute plus loin que ce métal était doré et qu’il éblouissait les yeux. Paul le Silenciaire et l’auteur grec anonyme, qui nous ont laissé des descriptions de Sainte-Sophie, s’accordent à dire que les dômes de cette belle église étaient ornés de dorures.

Le dessin de la façade fig. 6, que nous joignons à cette première division de l’architecture byzantine, fait connaître le caractère des anciens temples de la Grèce chrétienne. Il représente la Panagia Lycodimo, à Athènes, qui offre déjà dans la forme du dôme quelques modifications qui s’éloignent de la simplicité primitive.

IIe SYSTÈME (du VIIIe au XIe siècle.) — Un second système de décoration, appliqué aux façades byzantines, fut adopté en Orient, à une époque fort ancienne, puisque les Vénitiens l’imitèrent à Saint-Marc de Venise, qu’ils fondèrent en 996. Il s’est maintenu probablement jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs, en 1453, et s’est renouvelé de nos jours à Tine, l’une des îles de l’Archipel. Ce système est basé sur l’abandon complet de la ligne horizontale, comme couronnement des édifices, pour la remplacer par des formes cintrées que détermine l’extrados des voûtes. On voit généralement, dans les îles de la Grèce, de petites chapelles dont la seule nef est voûtée en berceau, et dont la forme cylindrique se reproduit à l’extérieur. Un enduit ou une lame de plomb la couvre, et la façade, suivant à son sommet la courbe de l’extrados, est ainsi surmontée d’un demi-cercle. Tout l’édifice prend l’aspect d’un coffre à couvercle bombé, à peu près comme une malle.

C’est sur ce principe que sont établies les parties supérieures d’un grand nombre de basiliques byzantines de Constantinople ; et les façades qui sont la conséquence de cette construction singulière présentent, à leur sommet, une espèce de découpure en feston, formée d’autant de demi-cercles qu’il y a de voûtes cylindriques ou en arêtes à l’intérieur du temple. (Voir la fig. 7.)

Fig. 7. — Eglise de Monè tès Koras, à Constantinople.

Dans les grands édifices chrétiens de l’empire grec, l’application de la couverture cylindrique sur l’extrados des voûtes se manifeste d’abord à la grande nef et aux transepts qui forment une croix grecque. L’église du Pantocrator (le Tout-Puissant), la plus grande de Constantinople, et celle de Monè tès Koras (Maison de la Vierge), en offrent des exemples. De là ce système se développe au point de s’étendre à toute la façade ; c’est ce qui se présente à l’église située au bas de la Solimanie, et nommée Theotocos (mère de Dieu) par les Grecs. Cinq grands arcs décorent le front occidental de ce temple. Celui du milieu est surmonté d’une partie droite, mais les quatre autres sont extradossés, et des lames de plomb recouvrent la forme bombée et festonnée qu’a reçue la partie extérieure du monument. Cette église, convertie en mosquée, comme toutes celles qui ont été précédemment citées, lors de la prise de Constantinople par les Turcs, a été incendiée il y a quelques années, et menace ruine.

La décoration découpée, et indiquant par ses formes la construction intérieure de l’édifice et en quelque sorte son squelette, descendait jusqu’au porche. On voit sur la face occidentale de l’église Monè tès Koras, cinq grands arcs composant le narthex. Tous sont extradossés, et comme les voûtes qui couvrent ce vestibule du temple sont en arêtes, et composées conséquemment de l’intersection de deux cylindres, l’extrémité latérale du porche est couronnée de même d’un arc découpé.

La grande église du Pantocrator, déjà mentionnée, et qui occupe un des plus beaux sites de Constantinople, à l’extrémité de l’aqueduc de Valens, offre au-dessous des arcs nombreux qui expriment dans tous les sens les divisions intérieures de ses nefs, un long narthex composé de sept grandes arcades extradossées à leur sommet, et contenant, dans leur partie inférieure, les portes qui donnent entrée au temple. Des fûts épars dans le voisinage, et des restes d’entablement qu’en retrouve sur la facade, indiquent que l’extérieur était orné de nombreuses

  1. Voir le plan.