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colonnes disposées comme sur les façades des églises romanes. Il est même probable que ce système de décoration, comme beaucoup d’autres parties de nos églises du XIe siècle, doit son origine à l’Orient, d’où il fut importé en Occident par les Vénitiens et les Croisés.

Les dômes qui surmontent les façades de la seconde époque diffèrent en plusieurs points de ceux qui sont d’origine primitive ; moins surbaissés dans leur courbe, la forme en est généralement hémisphérique. Les fenêtres qui les éclairent, quittant la base de la coupole ou le grand cercle horizontal, sont percées dans un tambour ou base cylindrique sur laquelle est construit le dôme. Cette disposition fut imitée dans l’architecture romane, et depuis, dans les églises construites aux seizième et dix-septième siècles, en Italie et en France.

Dans les monuments de la seconde époque, on voit aussi les dômes se multiplier, se grouper autour de celui qui s’élève au centre de la croix. L’emplacement qu’ils occupent n’est pas toujours le même. A l’église du Pantocrator ils surmontent les transsepts et la partie antérieure de la nef. A l’église de Sainte-Théodosia, aujourd’hui la mosquée de la Rose, située vers le port de Constantinople, dans le Fanar, quatre coupoles secondaires, moins hautes que celles du centre, et offrant les mêmes formes, s’élèvent aux quatre angles du monument.

Enfin, comme dernier caractère de ce second type de l’architecture byzantine, on observe des dômes sur les vestibules ou narthex. Les églises du Pantocrator et de Monè tès Koras, auprès de la porte d’Andrinople, en offrent des exemples peu réguliers, et le Theotocos, temple situé au bas de la Solimanie, en possède trois de proportions élevées et disposés très-symétriquement, un au centre et un à chaque extrémité.

IIIe SYSTÈME[1] (Époque des conquêtes Vénitiennes). — Un troisième mode se présente dans les façades byzantines : il peut être considéré comme présentant une alliance des architectures chrétiennes de la Grèce et de l’Italie, et pourrait dater de l’époque des conquêtes vénitiennes en Orient. Ce troisième système n’est pas un des moins curieux, parce qu’il indique une réaction de la part de l’Occident, qui, depuis les premiers siècles du christianisme, avait fait tant d’emprunts aux artistes de Byzance. Dans ces décorations d’édifices, on a exprimé, par des frontons et des pignons, l’inclinaison des toits, bien que les Grecs n’aient jamais employé la charpente dans leurs églises anciennes. Le plus beau et le plus célèbre exemple qu’on puisse citer, est l’Ecs-Miazin, temple chrétien d’Érivan, publié par Chardin, et que M. Dubois, de Neufchatel, a récemment dessiné avec détail, pendant son voyage en Arménie et dans le Caucase.

La façade est pesante ; elle est précédée d’un porche à deux étages, et surmontée d’un pignon à double pente. Ce porche a beaucoup d’analogie avec ceux de la cathédrale romane de Vérone et de l’église de Saint-Zenon, dans la même ville. Le temple de Sainte-Sophie, à Trébisonde, présente des caractères semblables : sur la face principale et sur les faces latérales, sont des portiques bas, et couverts d’une double pente, comme les pignons du moyen-âge. Deux petites églises byzantines, situées à Athènes entre le portique d’Auguste et le carré d’Adrien, sont couvertes l’une et l’autre de quatre combles posés sur les voûtes, et partant de la base du dôme central pour former vers la nef principale et vers les transsepts une disposition en croix grecque. L’église en marbre blanc qui fut, jusqu’au malheureux siège de 1827, la cathédrale d’Athènes, et dont nous donnons ici un dessin, est établie sur le même principe.

Fig. 8. — Façade de la cathédrale d’Athènes.

En général, ce dernier caractère ne se présente que sur les façades des églises de petites dimensions. Il s’y développe même quelquefois plus encore que sur les monuments cités plus haut. A Loutraki, village situé à l’extrémité orientale du golfe de Corinthe, on voit, non-seulement un pignon couronnant la partie supérieure de l’église, mais deux pentes secondaires expriment les bas-côtés de l’édifice, et s’étendent à droite et à gauche comme sur les façades de nos basiliques d’Occident. Cependant une coupole surmonte le centre du monument, et on n’y trouve nulle part l’emploi de la charpente. M. Dubois, de Neufchatel, a dessiné, dans le Caucase, de petites églises qui offrent sur leurs façades des pignons semblables à tous ceux qui viennent d’être signalés.

Enfin, les frontons ou pignons se multiplient quelquefois sur une même façade, au point de la couronner par une découpure anguleuse, comme on a vu, dans le second système, une suite de demi-cercles surmontant le front des édifices. C’est encore la ville d’Athènes qui fournit un bel exemple de ce mode de construction, dans l’église isolée, sur l’axe de la grande rue nouvellement percée de la porte du Pirée, au palais du roi Othon, vers le mont Hymette. Cette décoration rappelle certaines faces latérales d’églises du quinzième siècle : Saint-Séverin à Paris, par exemple, sur laquelle de nombreux pignons expriment les toits qui couvrent les chapelles latérales. Les frontons byzantins sont généralement percés d’une fenêtre simple ou géminée. Dans ce dernier cas, une colonnette en marbre occupe l’axe de l’ouverture. On ne reconnaît point, sur le front des édifices ainsi couronnés de pignons, l’étage supérieur qui indique le gynécée ou tribune des femmes. Dans ces monuments, généralement peu étendus, la

  1. Le troisième système de façades s’élève sur des plans semblables à ceux de la seconde époque.