Aller au contenu

Page:Revue militaires suisse - 47e année - 1902.djvu/459

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lativement à son faible effectif, grâce à la puissance de ses fusils et de ses canons, pourrait exécuter des raids rapides à grande envergure, et par un brusque crochet se rabattrait sur quelque artère vitale, soit pour y détruire des colonnes, soit pour y faire sauter des ouvrages d’art, de façon à y interrompre la circulation. Son apparition subite et inattendue causerait inévitablement de la stupeur, et on pose en principe que la surprise est un des plus sûrs facteurs de la victoire, aphorisme que je me permettrai, soit dit en passant, de considérer comme psychologiquement inexact. La surprise n’engendre pas forcément la peur. Ce qui inspire la peur, c’est le sentiment raisonné ou irraisonné, fondé ou non, d’un péril prochain. Un mouvement tournant inspire une terreur très naturelle à des gens qui savent ne pouvoir faire face à deux côtés à la fois et qui se sentent pris entre deux feux. Mais supposez un corps d’armée ennemi débarquant sur les côtes de la France, ou descendant de ballon sur notre territoire : si étonnés fussions-nous de voir ce miracle s’opérer, loin de nous en épouvanter, nous éprouverions à bon droit la satisfaction de tenir la victoire entre nos doigts et de n’avoir qu’à fermer la main. Il y a surprise et surprise.

Quoi qu’il en soit, et sauf à revenir sur cette controverse, je crois avoir esquissé la physionomie qu’une certaine école paraît portée à attribuer aujourd’hui à la guerre de l’avenir : c’est un combat défensif, défensif de part et d’autre s’entend, qui traînera péniblement avec des alternatives de succès très localisés et de revers très partiels, sans que rien de décisif puisse résulter de cet engagement d’un caractère purement passif. Les forces restées disponibles, elles, agiront de leur mieux, le plus loin qu’elles pourront du théâtre de cet engagement, et elles tâcheront d’ébranler par leur hardiesse le moral du commandement.


II

Cette évolution dans la tactique n’est pas une conception absolument nouvelle. Mon compatriote et ami Abel Veuglaire rappelait avec une certaine fierté dans la Bibliothèque universelle d’avril dernier, que, dès février 1891, la même revue contenait de lui un article où se trouvait indiquée en termes quelque peu vagues la nature du changement qui était en train de