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Page:Revue militaires suisse - 47e année - 1902.djvu/461

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ment, comme si, par l’effet d’une grâce magique, la puissance des feux s’émoussait sur eux.

On nous montre l’un des partis hypnotisé par la bataille défensive, s’y massant, y concentrant ses forces, de sorte qu’il ne lui reste personne pour monter la garde le long de ses lignes de communication, personne pour assurer sa sécurité, personne pour tenter un contre-raid. C’est se donner trop beau jeu que d’attribuer tant d’impéritie à toute une armée. Je suis loin de prétendre que nous n’assisterons plus au spectacle lamentable qu’il nous a été donné de contempler, d’un pays qui, sans avoir étudié les règles de la guerre, entre en lutte avec un autre pays qui, depuis cinquante ans, a appliqué tout l’effort de son esprit à la méditation des choses militaires.

Même avec des principes faux, s’ils sont fortement ancrés, on triomphe de gens dénués de principes. Si nous avons des adversaires incapables, nous l’emporterons sur eux, sans presque nous donner la peine d’employer tel moyen plutôt que tel autre. De cette sorte de gens, on triomphe à coups de vessie, disait le maréchal de Saxe. Il faut supposer, lorsqu’on étudie des procédés de combat, qu’on est de pair à pair et que les moyens d’attaque de l’un rencontrent chez l’autre des moyens de défense équivalents.

J’ai déjà fait remarquer d’ailleurs qu’il n’y aura plus un parti qui attaque et un autre qui se défend. Il en est des armées qui sont aux prises comme des lutteurs qui se battent. Suivant leur science et leur tempérament, ils sont plus disposés à porter des coups ou à parer ; mais ils essaient constamment et de parer les coups qui leur sont destinés et de profiter des occasions qui se présentent pour en décocher à leur adversaire. Nos deux armées se tiennent, l’une et l’autre, sur la défensive. Mais, si elles le peuvent, si, par suite de la disproportion des forces, elles disposent d’un excédent de troupes, elles s’en serviront pour chercher le point faible de l’ennemi, et il est permis de supposer qu’elles le trouveront.

Seulement c’est encore se faire la partie belle que d’échafauder l’hypothèse d’une grande inégalité dans les effectifs.

Nous devons considérer un adversaire qui soit à peu près dans les mêmes conditions que nous, et c’est dans ces conditions que nous allons examiner si la colonne mobile lancée sur ses derrières pourra accomplir son œuvre de destruction et de démoralisation.