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ÉDUCATION DE PAULINE DE GRIGNAN.

de Pauline ; elle serait usée à quinze ans : une modestie prématurée et déplacée pourrait faire de méchants effets. » (25 octobre 1679.)

C’est aussi du pensionnat peut-être qu elle avait rapporté, en dépit des gronderies des maîtresses, l’habitude de contrefaire le langage, les gestes des personnes ; elle s’en acquittait agréablement et faisait rire. Sa grand’mère ne pouvait être très-sévère sur ces badinages satiriques : c’était une pointe des Rabutin : « Mon Dieu ! que Pauline est plaisante ! que sa petite vivacité, que je vois d’ici, est aimable et divertissante ! Sans vouloir louer la qualité de contrefaire, il faut : avouer que c’est la chose du monde qui réjouit le plus parfaitement. Comme je suis persuadée que Pauline n’en fera point un mauvais usage et que ce plaisir ne sera que pour sa famille, je suis fort aise qu’elle ait ce talent et j’espère bien en avoir ma part. Son frère est assez bon singe aussi ». Sage restriction et qui, si elle eût été mise en pratique par Bussy-Rabutin, eût épargné à ce cousin de Mme de Sévigné dix-sept années de disgrâce.

L’éducation se continue ainsi sous le regard lointain de la bonne grand’mère, bien plus portée, comme de juste, à la louange qui encourage qu’à la critique qui rend craintive. Pauline lui écrit sa première lettre : grosse affaire pour une petite fille. Elle ne manque pas de l’admirer, quoiqu’elle voie bien que ce n’est pas son écriture ; mais elle y reconnaît son style : c’est avoir de bons yeux. La lettre fait le tour de la famille et des amies ; les oncles sont ravis, Mme de la Fayette en oublie une vapeur dont elle était suffoquée. Ces mêmes yeux de grand’mère lui font voir, dans cette lettre, que Pauline est jolie ; et bientôt même ce n’est plus seulement jolie, c’est « Pauline et ses charmes. » (13 décembre 1679.)