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REVUE PÉDAGOGIQUE.

LA PÉDAGOGIE FRANÇAISE.


À la considérer dans ses origines, déjà lointaines, et dans son esprit, fidèle image de l’esprit français, la pédagogie moderne est essentiellement française. Fille de la Renaissance, elle est née vers le temps où la langue française devenait la langue diplomatique de l’Europe, où François Ier la substituait au latin pour la rédaction des actes publics, où Ramus essayait d’en faire la langue de l’enseignement ; en plein xvie siècle, quand s’élaborait la vigoureuse et féconde préparation de la société moderne, quand la pensée se sécularisait et que l’éducation commençait de se séculariser comme la pensée. Chercher la règle de l’éducation physique, intellectuelle et morale dans les inspirations du bon sens et dans la connaissance de notre double nature, au lieu de la demander à la prétendue vertu de systèmes artificiels ; construire pièce par pièce la méthode au fur et à mesure des besoins de l’enfant et l’ajuster à sa taille, au lieu d’introduire l’enfant comme par force dans le cadre arbitraire d’une méthode préétablie ; aider l’écolier à se développer avec une liberté disciplinée dans son milieu naturel, le monde vivant de la réalité, au lieu de l’enfermer dans le monde abstrait des livres, des mots et des formules ; lui apprendre à penser pour lui apprendre à vivre, faire de lui un homme et de l’homme un citoyen ; réaliser, en un mot, le précepte du poëte ancien, mens sana in corpore sano : — ce sont là des vérités acquises, sur lesquelles on vit aujourd’hui, et dont on rapporte l’honneur aux maîtres de la pédagogie moderne. Le mérite de ceux-ci, et il suffit à leur gloire, est d’avoir les premiers appliqué méthodiquement et dans la sphère de