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ENSEIGNEMENT MANUEL.

même année, trente années après la publication de l’Émile, que, dans cet admirable projet d’instruction qu’on appelait alors l’Utopie, Condorcet proposait le premier l’introduction des arts mécaniques et du dessin dans l’enseignement des écoles dont il réclamait la création.

Si l’on considère que Condorcet, fils d’un marquis, capitaine de cavalerie, élevé d’ailleurs suivant un plan d’étroite conservation aristocratique, avait dû, pour en arriver plus loin que Rousseau, être frappé d’une sorte de vision d’Ézéchiel, mais que, philosophe et mathématicien d’ordre tout à fait supérieur, économiste comme Vauban et Turgot, créateur enfin de l’arithmétique sociale, il avais coutume de méditer en toute raison ses impressions et non moins ses pressentiments, on admettra qu’il y ait quelque logique à le suivre. Il ne saurait suffire, en effet, de dire à un enfant qui va marcher : — Voilà la porte ouverte, va ! — la moindre prudence conseille de débroussailler un peu sa route.

La question a singulièrement marché depuis 1794, en ce sens qu’aujourd’hui c’est à qui s’intéressera aux progrès et à la diffusion de l’instruction primaire. Condorcet, l’utopiste de cette époque, réclamait par exemple une institutrice pour les filles, par ville de 1,500 habitants ! Quel serait aujourd’hui le retardataire le plus acharné qui osât proposer que l’on s’en tint à ? Non, si nous n’en sommes pas encore revenus au point où était arrivé déjà le millionnaire Lepelletier de Saint-Fargeau, contemporain de Condorcet, qui voulait l’instruction commune, obligatoire, et qu’un atelier d’industrie fût annexé à chaque école, du moins pouvons-nous dire que le mouvement en faveur de l’enseignement populaire, tantôt ralenti, tantôt accéléré, suit à distance le cours des idées ; et c’est pourquoi il ne saurait être hors de propos de le pousser