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ÉDUCATION DE PAULINE DE GRIGNAN.

L’éducation de Pauline était presque achevée : elle avait appris l’histoire, ce qu’on en pouvait apprendre alors ; un peu de géographie (14 décembre 1689) ; la religion, la morale, quelques notions de mythologie (24 avril 1689). La large et ferme écriture à grands ramages de sa grand’mère et de sa mère l’avaient guérie de l’écriture pattes de mouche, qui commençait dès lors à s’introduire (18 mai 1689) ; elle avait lu les bons auteurs, et, par là connaissait très-bien sa langue et l’orthographe, sans avoir jamais eu de grammaire (22 avril et 1er juin 1689) ; elle savait tourner une lettre, rédiger gentiment une narration (il nous en reste une très-jolie d’elle à l’âge de treize ans). L’italien lui était familier ; de plus, elle savait danser et faire des révérences (30 novembre 1689). Ses yeux bleus, sous ses cils noirs ; une taille libre, adroite ; de la vivacité, une physionomie plutôt piquante que touchante, en faisaient une personne « assez assaisonnée ». Seulement (il y a toujours un seulement), il y avait « ce nez : Il est vrai, dit Mme de Sévigné, que ce nez est une étrange affaire ». C’était, paraît-il, le nez carré du comte de Grignan, « la marque de l’ouvrier », disait plaisamment la bonne marquise. À tout prendre, Pauline, en dépit de « ces gens qui ont un peu » mis leur nez mal à propos » (16 octobre 1689), était assez pourvue d’agrément pour plaire, même à d’autres yeux qu’à ceux de sa grand’mère, et le moment paraissait venu de la produire.

Mais c’est à ce moment aussi et quand il n’y a plus qu’un pas à faire pour entrer dans le tourbillon du monde, que chez mainte jeune fille un double sentiment ou plutôt deux sentiments contraires se font jour : attraction, appréhension. Le cœur est inquiet et troublé, incertain ; l’inconnu l’attire et l’effraie. C’est dans ces perplexités :