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L’ÉDUCATION DES SENS.

années de la vie ! Pour une infirmité réelle, organique, il y en a peut-être dix qui eussent pu être évitées par l’exercice normal du sens aujourd’hui froissé. Les savants étudient le daltonisme pour le guérir ; ne ferait-on pas bien d’étudier l’éducation de la vue pour prévenir le daltonisme ?

En ce qui concerne le sens de l’ouïe, l’influence de l’éducation est évidente. Tout le monde sait que, dans les familles où les enfants n’entendent jamais chanter, ils grandissent sans savoir s’ils possèdent une voix ; tandis que dans les familles où l’on chante, les petits enfants chantent par imitation. Nous avons entendu un des airs de Guignol chanté par une petite fille de quinze mois !

On alléguerait en vain des défectuosités des organes vocaux ou auditifs. Ces défectuosités comptent en nombre infiniment petit dans la masse des grandes personnes qui ne savent pas chanter ; la preuve s’en fait dans les salles d’asile et les écoles, où tous les enfants chantent, sauf l’infime minorité atteinte de défectuosités natives. Tout le monde sans doute n’est pas destiné à devenir musicien, mais presque tout le monde naît chanteur, car le chant est aussi naturel, aussi instructif que la parole, surtout dans l’enfance. L’aptitude au chant est donc le résultat de sens de l’ouïe.

Quant à l’audition des bruits vulgaires qui résonnent incessamment autour de nous, elle est généralement très-imparfaite. Les plus grosses erreurs se produisent souvent dans les jugements que nous portons relativement à leur nature, à leur origine, et si la vue ne rectifiait, en nombre de cas, les méprises de l’ouïe, nous serions en proie à mille frayeurs, mille superstitions. C’est ce qui arrive habituellement parmi les habitants des campagnes.