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REVUE PÉDAGOGIQUE

atlas, histoires, géographies, histoire naturelle, etc., pour rendre ses leçons plus « réelles » et plus vivantes. On n’avait pas alors les programmes, les instructions, les manuels, les éléments d’une saine tradition scolaire qui abondent aujourd’hui : Goy y suppléait à grands frais de travail, d’argent, de tâtonnements. Toutes les fois que je le revoyais à l’époque des vacances, je le retrouvais tout préoccupé de son sujet de prédilection, l’enseignement des jeunes filles ; mêlant toujours aux vues d’ensemble, au dessein supérieur, bref à la philosophie, sans laquelle il n’y a point d’éducation ni même d’instruction digne de ce nom, le souci des moyens d’application, des procédés techniques.

On ne s’étonnera pas qu’un professeur de cours normal, ainsi inspiré et ainsi muni, exercât une grande influence sur ses élèves sans jamais excéder son modeste rôle et ses strictes attributions. Je ne crains pas d’être démenti en disant que les jeunes filles aujourd’hui institutrices ou mères de familles, qui l’ont eu pour maître, ont reçu de son enseignement une empreinte distincte et profonde, que j’appellerais libérale dans la plus haute acception du mot.

Au reste cette action insensible d’un noble esprit ne se bornait pas aux écoles. Autour de Goy se groupait une société d’amis, pro fesseurs, pasteurs, propriétaires, médecins, charmés de trouver en lui à la fois un égal, un camarade et un supérieur. On venait chaque semaine, le jour du marché, prendre des livres nouvellement parus ou des revues périodiques, on traitait régulièrement certains sujets, on discourait des évènement politiques ou moraux. Goy se montrait là comme partout simple, grave, d’humeur plaisante, plus disposé à écouter qu’à parler, mais sans affecter le silence, ouvrant des aperçus, posant des points d’interrogation, au lieu de dogmatiser ; très libre d’allure, mais jamais frivole ni dilettante ni sceptique.

Il aurait sans doute fini ses jours dans ces travaux utiles mais obscurs, si M. J. Ferry, ministre de l’instruction publique, ne l’avait appelé en 1880-1881 à la direction de l’école normale d’Alger. Toute sa vie antérieure l’avait admirablement préparé à ses nouvelles fonctions ; le programme des lettres et celui des sciences lui étaient devenus également familiers par une longue pratique, si bien qu’il pouvait surveiller l’un et l’autre enseignement avec une égale compétence et porter le secours sur les points faibles ; quant à la psychologie et à la morale, c’était son domaine préféré, et où personne ne pouvait mieux que lui faire preuve d’un sens à la fois profond et pratique. Il ne resta à Alger que deux ans, le temps de faire son apprentissage administratif. Rappelé en France, il fut chargé d’abord de diriger l’école normale d’Albi, et bientôt après celle de Toulouse.

C’est dans ce dernier poste qu’au jugement de ses supérieurs Goy a donné sa véritable mesure de professeur et d’éducateur. Par ses leçons de morale et de pédagogie, par ses conférences libres et ses