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NÉCROLOGIE

conseils quotidiens, par tout son commerce avec les maîtres et les élèves, par son genre particulier d’autorité, mélange de fermeté, de réserve, de familiarité, de supériorité d’esprit et surtout de bonté, par l’exemple d’une vie irréprochable, il sut établir dans son école le régime de discipline volontaire et de travail personnel qui peut seul préparer les jeunes instituteurs et les institutrices à la pratique de la liberté et à celle du gouvernement des enfants. Plébéien dans l’âme, dévoué de tout son cœur à la civilisation populaire, observateur attentif, clairvoyant, parfois attristé, de notre situation morale et sociale, il s’inspirait dans ses leçons comme dans ses directions individuelles de sa connaissance étendue des besoins généraux du pays et de sa riche expérience des choses morales. Sans se faire illusion sur les faiblesses ou les vices de cette partie de la société où se recrutent nos jeunes maîtres, c’est pourtant chez elle qu’il espérait trouver un terrain propre à recevoir la bonne semence. Il aimait ses élèves, leur parlait en ami et les traitait en hommes ; mais il ne les flattait point, il savait au besoin leur dire de dures vérités, et ses préceptes de conduite n’étaient pas déguisés sous des périphrases.

Ses journées, comme celles de tous nos directeurs et de nos directrices, étaient entièrement remplies ; et néanmoins il trouvait le temps de mener à bien des travaux de longue haleine dont un seul a vu le jour. C’est la traduction, fort difficile et très bien exécutée, de quelques écrits du pédagogue allemand Diesterweg, chef du parti libéral au sein du personnel primaire, directeur de l’école normale de Berlin. Ce livre, d’une forte saveur, est encore peu connu dans nos écoles ; on apprécierait mieux sa valeur et le service que nous a rendu son patient et habile traducteur si une réaction poli tique et religieuse devait nous aider à en déchiffrer le sens.

C’est au moment où notre ami jouissait pleinement de l’estime de ses chefs, en particulier de celle de M. Perraud, recteur de l’académie de Toulouse, du respect et de l’affection de ses élèves, de la confiance de ses collaborateurs, quand il jouissait de son ouvre en préparant pour elle et pour nous tous de nouveaux travaux, que la mort est venue le surprendre et nous le ravir. Le deuil a été général ; dans tout le monde scolaire de Toulouse on a senti qu’un grand vide venait de se faire parmi nous. « Ce matin, nous écrit M. Perraud, nous avons conduit M. Goy au cimetière, M. Steeg, M. Monod (professeur à la Faculté de théologie de Montauban, vieil ami de M. Goy et son compagnon de jeunesse en Allemagne), le préfet, l’inspecteur d’académie, les inspecteurs primaires, le personnel enseignant de l’école primaire supérieure et des écoles communales, une députation des professeurs du lycée, les élèves-maîtres, les enfants de l’école annexe, des amis nombreux. Jamais je n’oublierai cette triste, simple et grande cérémonie. Jean Monod, qui a prononcé le discours religieux et la prière, m’a fait comprendre les prophètes d’Israël. M. Steeg a retracé ensuite