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REVUE PÉDAGOGIQUE

La Charte de 1830 avait promis la liberté d’enseignement. La Constitution de 1848 l’avait proclamée. L’Université était prête à l’accepter.

Ce que fait l’État, tout Français doit pouvoir le faire, s’il en est digne et capable. L’existence et le développement de l’enseignement libre sont la condition du progrès de l’instruction générale, la garantie de la paix des esprits : aux établissements particuliers de frayer les routes nouvelles, à eux d’assurer aux familles l’éducation exclusive que réclame leur conscience. Mais pour résigner, comme il est nécessaire et juste, une partie de la puissance publique, l’État n’abdique point. C’est à lui qu’il appartient, en organisant l’éducation commune à ses divers degrés, depuis l’école de hameau jusqu’au Collège de France, de tenir tous les esprits en éveil. Si l’État cessait d’exercer cette initiative tutélaire, c’en serait fait de l’instruction des classes pauvres, l’ignorant n’étant que trop porté à s’engourdir dans son ignorance. C’en serait fait même de la culture supérieure : chacun allant au plus pressé, la France ne serait bientôt plus qu’un comptoir, un atelier. Sauvegarde des intérêts généraux, l’action de l’État est en même temps le lien de l’unité nationale : vouloir que l’État impose son uniformité à la société est une prétention tyrannique ; mais laisser la société imposer à l’Étai ses divisions ne serait-ce pas la plus redoutable des anarchies ? Ainsi s’exprimaient M. le duc de Broglie, M. Cousin, M. Guizot, dans un langage où l’Université s’honorait de se reconnaître. J’aime à invoquer devant vous, messieurs, de tels patronages. Si la question de la liberté d’enseignement avait été maintenue dans ces sphères sereines et résolue suivant ces maximes de droit public, — j’emprunte le mot à M. de Broglie, que de choses auraient pris parmi nous un autre cours.

Mais tel n’était pas le plan de ceux qui, sous le gouvernement de Juillet, réclamaient l’exécution des promesses de la Charte. Il ne leur suffisait pas d’avoir une part dans l’éducation : ils la voulaient tout entière. Il s’agissait pour eux, non de la liberté, mais de la domination. Naguère la politique, la jurisprudence, la science, toutes les branches de l’art reconnaissaient la suprématie de l’Église ; ces nobles vassales avaient été successivement arrachées à son influence. « Voici maintenant, s’écriait M. de Montalembert, traçant aux catholiques leurs devoirs, voici le tour de