Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1888.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
109
DISCOURS DE M. GRÉARD À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

l’éducation, que l’État, sous la figure de l’Université, vient confisquer à son profit. L’épiscopat et le clergé français peuvent-ils ne pas résister à cette dernière usurpation ?… » Et après les douloureux événements qui, au mois de juin 1848, avaient jeté le trouble dans les meilleurs esprits, ce fut sur ce terrain que la lutte s’engagea.

Ce n’est pas nous qui en faisons l’histoire. Elle est écrite dans les procès-verbaux de la commission de 1850. Dans le premier élan de l’attaque, l’instruction primaire aurait été tout entière livrée aux congrégations, s’il eût été aussi facile d’en supporter la charge que d’en prendre la direction, et peu s’en fallut que ce ne fût aussi le sort de l’instruction secondaire. L’esprit de transaction intervint. Était-ce vraiment une transaction ? Il y a trente ans, à cette même place, dans l’éloge du comte Molé, arrivant à l’établissement de la royauté de Juillet à laquelle M. Molé avait donné son concours, M. de Falloux disait : « Deux convenances, également impérieuses, quoique en apparence contraires, me sont imposées : la réserve et la franchise. L’Académie, jalouse de l’honneur de tous ses membres, ne consentirait à me voir oublier ni l’une ni l’autre. » Vous me permettrez, messieurs, de m’inspirer des mêmes sentiments. Ce qui était un droit pour M. de Falloux est pour moi un devoir.

J’en ai d’ailleurs la conviction, et j’aime à le dire tout d’abord : avec quelque scrupule que M. de Falloux ait paru s’effacer dans la préparation de la loi, c’est lui qui inspira la plupart des tempéraments qu’elle reçut. Mais, — pour ne toucher qu’aux principes sur lesquels elle reposait, — alors qu’on annonçait l’intention de détruire un monopole que personne ne défendait plus, était-il conforme à l’équité de reconstituer les privilèges en sens contraire, de créer des jurys et des brevets d’exception, de répudier le droit commun qui est l’essence même et la raison de la liberté ? Était-il d’une politique prévoyante de substituer au loyal stimulant de la concurrence les défiances d’un antagonisme qui risquait d’introduire dans l’éducation les dissentiments des opinions de parti ? Pourquoi surtout amoindrir l’enseignement de l’État, ne pouvant le détruire, — dans son autorité en morcelant les grandes régions académiques, dans son indépendance en le mettant en tutelle au sein des conseils appelés à régler ses intérêts,