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REVUE PÉDAGOGIQUE

dans sa valeur en abaissant les programmes de l’École normale, dans son honneur en jetant le discrédit sur l’élite de ceux qui le servaient ? L’effet de cette suspicion ne tarda pas à se produire. C’est peu de temps après que nous avons vu nos maîtres, ceux à qui nous devions ce que nous sentions en nous de meilleur, écartés des chaires dont ils étaient la force et l’éclat, nos plus brillants condisciples mis en cause pour leur dévouement à la science et punis de leur talent. M. de Falloux, qui a connu tous les nobles sentiments, pardonnerait, je m’en assure, à nos souvenirs de jeunesse la sincérité de ces impressions. Ajouterai-je que, tandis qu’on s’étonnait autour de lui qu’il n’eût pas fermé les collèges de l’État en ouvrant les portes des maisons religieuses, il ne craignait pas de dire, dans sa clairvoyance, que « deux choses auraient manqué aux maisons religieuses : des maîtres pour les diriger, des familles pour les remplir ? » Nous ne pourrions souhaiter un plus décisif témoignage.

Issue, au commencement du siècle, de la reconstitution de la société civile, l’Université en satisfait, comme elle en exprime, les sentiments, les besoins, la sage et ferme tolérance. Forte du bon sens public, elle ne s’incline ni devant ceux qui prétendirent un jour proscrire des écoles Homère et Virgile, ni devant ceux qui voudraient expurger les Fables de La Fontaine ou les Oraisons de Bossuet. Aux adversaires qui incriminent son esprit, elle répond comme elle a répondu de tout temps : par l’exemple de ses maîtres qui, sous les yeux des familles, pratiquent le culte désintéressé de la science, la fidélité au devoir, la dignité de la vie ; par sa discipline qui, s’adressant à la raison, prépare dans l’enfant l’homme de son temps et de son pays ; par son enseigne ment enfin qui, puisé aux sources les plus hautes, nourri des doctrines d’Aristote et de Platon, de Descartes et de Leibnitz, maintient les franchises de l’intelligence humaine, mais respecte les consciences et n’a jamais admis que la liberté de croire ne fît pas partie de la liberté de penser.

L’avènement de l’Empire rendit M. de Falloux à lui-même. Il se consacra à l’agriculture, et il y porta, comme en toute chose, le besoin d’une action raisonnée. Arthur Young, visitant la France à la fin du siècle dernier, raconte qu’il ne s’était arrêté en Anjou que pour voir le marquis de Turbilly dont les défrichements