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UNE EXPÉRIENCE D’EXTERNAT

Le milieu où je vis est honnête, gai, complaisant, et tout soulage mon esprit quand il est fatigué par un travail surmené. Le soir, après souper, on cause, on parle un peu de tout, on raconte des historiettes amusantes. Puis 9 heures sonnent, chacun prend sa tâche : la ménagère lave la vaisselle, une petite fille fait ses devoirs, une femme tricote, l’autre coud, et, tandis que le logeur employé au bureau va se reposer, je me mets à l’étude. Que de fois, mon cher ami, je me suis couché à minuit pour préparer mes leçons du lendemain !(G.)

Quelques-uns, après avoir judicieusement fait remarquer qu’ils ne pouvaient établir de comparaison entre les deux régimes puis qu’ils n’en connaissent qu’un par expérience, ne s’en laissent pas moins entraîner à juger de l’internat avec une exagération qui fait sourire :

Je vais me promener, quand j’ai un moment de loisir, et je vais respirer l’air pur de la campagne. Étant interne, je n’aurais été me promener que sous l’œil d’un maître, et encore je n’y aurais été qu’aux heures réglementaires. Tu comprends que lorsqu’un jeune homme vit trois ans entre quatre murs, nourri je ne sais comment, logé dans un dortoir où l’on est quarante, ne se promenant pas beaucoup, tu comprends, dis-je, que ce jeune homme ne doit pas sortir très robuste de l’école normale.

Pour notre existence morale, je ne te cache pas, cher ami, qu’il y a des périls. En effet, étant toujours en contact avec toute sorte de gens, il y aurait de quoi se pervertir, si le temps le permettait. Mais tu comprends que nous n’avons pas assez de temps pour fréquenter de mauvaises compagnies, et pour prendre de mauvaises habitudes. Par contre, nous apprenons à nous conduire dans la vie, sans avoir besoin d’un guide. Étant libres, nous sentons notre responsabilité croître. Enfin, étant externe, on se sent homme, et on se conduit comme tel, tandis qu’étant interne, on est gamin malgré l’âge, aussi est-on constamment sous l’œil d’un maître.(C.)

Ce sentiment de la liberté, cette joie et cette fierté d’être libre, sont le trait commun et dominant de ces compositions ; il se marque avec l’absence de mesure qu’on doit attendre de cet âge. Cependant, même chez quelques-uns des élèves de seconde année, on voit déjà poindre le souci de la responsabilité qui est la contre-partie de cette liberté ; ils commencent à remarquer qu’il va falloir un grand effort pour en bien user. L’un d’eux, après avoir décrit les avantages de l’externat, ajoute avec candeur :

Mais il a aussi des inconvénients. Les élèves de l’école normale d’Ajaccio sont obligés de s’armer d’une volonté considérable pour