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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

milieu hostile, ne parvient pas à vaincre ce milieu et succombe dans une lutte inégale. Ainsi le rejeton de l’arbre fruitier le mieux perfectionné et qui porte les fruits les plus savoureux redevient un sauvageon si on le transporte dans la forêt natale. Pour instituer une expérience probante, au lieu d’instruire quelques individus isolés, il eût fallu ouvrir des écoles à toute une génération. Peut-être qu’alors les écoliers, formant une masse compacte et se prêtant un mutuel appui, auraient eu la force de réagir contre le milieu arabe et l’auraient modifié. Mais cette expérience en grand n’a jamais été tentée. »

L’opinion exprimée dans les lignes qui précèdent par M. l’inspecteur général Foncin est aussi depuis dix ans celle de l’administration algérienne. Après bien des tâtonnements, des erreurs, des efforts prodigués en pure perte, elle s’est décidée enfin à suivre une voie rationnelle. Elle a pris le parti de commencer par l’enseignement primaire, qui s’adresse à tous. Plus tard, si quelques élèves des écoles élémentaires font preuve d’aptitudes exceptionnelles, on les dirigera vers les études plus élevées, dont ils pourront alors tirer parti.

Les enfants arabes ou kabyles sont reçus dans deux sortes d’écoles : les écoles communes, établies dans les centres de population européenne et ouvertes aux élèves de toutes les nationalités ; les écoles spéciales fondées dans les centres indigènes ou dans les quartiers indigènes des grandes villes. En 1882, on ne comptait que 16 écoles de cette dernière catégorie. Il en existe aujourd’hui 122. Le nombre des enfants indigènes fréquentant les divers établissements primaires de la colonie n’était que de 3,200. Il s’élève aujourd’hui à 11,200.

Ce n’est encore là qu’un chiffre dérisoire, si l’on songe qu’il y a, en Algérie, 500, 000 enfants indigènes de six à treize ans. De plus, ces élèves sont trop disséminés. Les écoles sont trop dispersées : deux à Alger, où il en faudrait six ; de même dans les autres grandes villes ; quatre ou cinq dans les communes mixtes ou indigènes qui en ont le plus, lorsque 40 ou 50 seraient nécessaires. Sur un point une cinquantaine d’enfants recevant un commencement d’éducation française, puis, à côté d’eux, dix, quinze, vingt mille qui continuent à croupir dans la barbarie originelle. C’est presque encore la continuation de l’erreur signalée plus haut pour l’enseignement secondaire. Avec un pareil système les résultats ne peuvent être qu’insignifiants, et il faudra des siècles pour qu’ils deviennent sensibles.

L’administration de l’instruction publique était la première à déplorer un pareil état de choses, mais que pouvait-elle pour y remédier, n’ayant aucun moyen de triompher de l’indifférence de certaines communes, et ne pouvant pas même seconder le bon vouloir de quelques autres, puisque depuis plusieurs années tout crédit pour création d’écoles lui était refusé.

Lors de son récent voyage en Algérie, M. Burdeau, rapporteur du budget de la colonie, a été particulièrement frappé de cet inconvénient. Nous pensons avec lui qu’un changement de méthode s’impose