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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

a-dire avant tout qu’ils sachent mettre l’orthographe. Il s’agit bien vraiment d’orthographe et de grammaire ! Combien de paysans français savent parfaitement s’exprimer et faire eux-mêmes leurs affaires, qui n’ont aucune notion d’orthographe, et qui seraient absolument incapables de subir l’examen du certificat d’études ! Établissez des cours spéciaux où vous formerez à foison des professeurs indigènes de français réduit. Venus des communes elles-mêmes, où ils auraient été choisis parmi les plus intelligents, ils y retourneraient pour instruire les enfants et ne devraient pas avoir d’autre ambition administrative. » >

« Vous cherchez des maîtres indigènes, nous dit un autre, lorsque vous en avez sous la main des milliers dont vous ne savez pas utiliser les services. N’existait-il pas en Algérie avant la conquête et n’existe-t-il pas encore un nombre incalculable d’écoles musulmanes (zaouias, mecids), où des maîtres arabes enseignent, moyennant une faible rétribution payée par les parents, les éléments de la langue arabe et la récitation du Coran ? Ces maîtres seraient tout prêts à apprendre le français à leurs élèves si vous leur accordiez une faible indemnité pour ce service supplémentaire. »

Il est vrai que d’autres n’admettent pas que nous songions à nous servir de maîtres arabes ou kabyles. « Ils ne sont pas nés, disent-ils, pour la mission d’éducateur : ils n’ont ni le calme, ni la patience, ni le dévouement qu’elle réclame ; ils savent mal le français, le prononcent plus mal encore, et sont incapables de comprendre les idées qu’il exprime ; étrangers enfin à tout sentiment français, comment pourraient-ils faire aimer la France et la civilisation à laquelle elle convie les indigènes ? »

Ces opinions divergentes sont aussi peu fondées les unes que les autres.

Nous employons les maîtres indigènes parce que dans bien des cas nous ne pouvons pas faire autrement, et parce qu’en général il nous paraît sage d’utiliser leur concours.

Un Français acceptera la direction d’une école située à proximité d’un centre de population européenne ou sur une route desservie par une voiture publique, en un point où il puisse s’approvisionner. Il sait d’ailleurs que l’isolement sera compensé par quelques avantages : une indemnité de résidence de 200 à 600 fr., une autre indemnité spéciale de 100 fr. par école préparatoire placée sous sa surveillance, et la possibilité d’obtenir pour sa femme, fût-elle dépourvue de tout titre scolaire, la direction d’une classe de l’école avec des émoluments de 600 fr. Nous avons ainsi une trentaine d’écoles indigènes dirigées par des instituteurs français : ce sont celles que nous appelons les écoles indigènes ordinaires.

Nous trouvons même des Français, bien qu’en beaucoup plus petit nombre et, on peut le dire, exceptionnellement, qui consentent à aller passer quelques années dans les villes indigènes de l’extrême