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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

celle du département de Constantine, il faudrait environ 620 écoles et 1,240 maîtres, et que ce total de maîtres devrait comprendre à peu près 310 Français et 930 indigènes.

Je dois déclarer que pour préparer ce personnel suivant les conditions que je viens d’exposer, il ne faudra pas moins de dix ans.

Qu’on veuille bien réfléchir que ce sera une moyenne de 124 maîtres par an. Notre situation scolaire actuelle ne nous permet pas d’en préparer plus de 30 pour la fin de l’année, et pas beaucoup plus pour l’année suivante. Il faudra donc une amélioration, un développement, des progrès très rapides et probablement des mesures exceptionnelles, pour atteindre dans trois ou quatre ans le chiffre de 124 indiqué. Plus tard il sera facile de le dépasser.

Quoi qu’il en soit, nous ne demandons que dix ans. Si ce laps de temps est nécessaire pour le recrutement du personnel, il moins, je crois, pour l’installation des écoles. ne l’est pas

J’ai évalué plus haut à 8 millions les frais de construction des 620 premières écoles à établir. Répartie en dix années, la dépense serait de 800,000 francs par an, pour une soixantaine d’écoles chaque année. En supposant qu’une modification, d’ailleurs absolument justifiée et désirable, soit apportée à la loi du 20 juin 1883 en ce qui concerne la proportion des subsides, et que l’État accorde à toute commune, grande ou petite, pour toute école indigène à construire, une subvention égale à la moitié de la dépense, les charges annuelles respectives de l’État et des communes seraient de 400,000 francs. Et comme le principal effort sera demandé aux communes mixtes de la Grande de la Petite Kabylie, qui ne sont qu’au nombre de dix, on voit par là que le sacrifice qu’elles devraient s’imposer annuellement pendant dix ans serait encore aussi élevé qu’on peut raisonnablement l’exiger.

Le système consistant à procéder par région, et à y répandre l’instruction française dans toute la masse des enfants indigènes, au lieu de s’adresser, comme autrefois, à quelques individus ou groupes isolés, épars sur l’étendue du territoire et éloignés les uns des autres, présentera d’incontestables avantages. Ce sera le meilleur remède au double mal signalé par Mme Coignet et par beaucoup d’autres, savoir : l’instabilité et la disparition trop rapide de toute trace d’éducation française chez les Arabes élevés dans nos écoles, et d’autre part la tendance d’un trop grand nombre de ces jeunes gens à solliciter des emplois.

Tout fait supposer que les indigènes instruits résisteront mieux aux influences de l’hérédité, de la tradition, de la coutume, lorsque le milieu dans lequel ils sont appelés à vivre sera tout entier modifié par la même éducation, initié à la même langue et aux idées qu’elle exprime.

D’un autre côté, lorsque l’instruction française, au lieu d’être une exception, une sorte de privilège rare accordé à quelques-uns, sera devenue le patrimoine commun de toute une génération, il est à