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REVUE PÉDAGOGIQUE

On ne saurait mieux dire, et de pareils passages font regretter que l’auteur ne parle pas plus souvent en son propre nom. Mais La Primaudaye ne marche pas sans s’appuyer sur l’autorité des anciens, et il se hâte de revenir à l’analyse des traités d’Aristote et de Quintilien, entremêlée de citations d’Horace, de Plaute, d’Ovide, etc. Cet étalage d’érudition devait plaire aux lettrés de l’époque, mais il étouffe la voix de l’homme du seizième siècle que nous aimerions à entendre. C’est lui pourtant qui regrette l’abolition de la loi instituée par le législateur Charondas portant que tous les enfants seraient instruits aux frais de la République, « loy certes qui se devroit aujourd’hui pratiquer en toutes les villes de ce royaume, pour résister à ceste pernicieuse hydre d’ignorance que les plus riches maintiennent, ne faisans conte de scavoir, à la foulle et oppression des pauvres qui seroient bien aises d’avoir le moyen de se faire instruire. » La Primaudaye ne rêve pas comme Rabelais une instruction encyclopédique, il laisse aux pères « la liberté de choisir les arts et sciences esquelles ils auront volonté de faire instruire leurs enfans, regardant à quoy la nature les rendra plus propres ». À son avis, l’éducation proprement dite peut se résumer en six préceptes que nous indiquerons brièvement. Le premier « sera de monstrer aux enfans qu’ils doivent adorer Dieu et l’honorer principalement et devant toutes choses et rapporter à la gloire de son nom toutes leurs intentions et actions ». Le second précepte et le plus nécessaire à la jeunesse « est de lui enseigner à ne se glorifier point aux biens terriens et mondains, apprenant aux enfans à les mespriser plutost et transporter l’amour du corps et des biens charnels qu’il désire à l’amour de l’âme et des biens éternels qui lui sont propres… » Troisièmement on doit enseigner aux enfants à éviter et fuir tout ce qu’ils voient faire aux autres, apprenans à estre sages par leurs dangers et périls… » Pour le quatrième précepte, « nous mettrons ces quatre choses qui sont de très grande conséquence pour bien vivre : qu’ils ne soient délicats ni superflus en chose quelconque ; qu’ils tiennent leur langue et ne soient légers en paroles et n’en profèrent jamais de sales et deshonnestes, ains soient gracieux et affables à parler à tout le monde, à saluer volontiers chacun et cèdent volontairement ès choses où la vérité n’est point offensée ; qu’ils maistrisent leur colère en retranchant tout ce qu’ils pourront d’impatience, qui est une vertu singulière ; puis qu’ils aient leurs mains nettes, y ayant eu plusieurs grands personnages qui pour s’estre laissé aller à prendre argent injustement ont respandu tout l’honneur qu’ils avaient amassé au demeurant de leur vie. » En cinquième lieu, « on leur doit mettre et proposer devant les yeux les exemples des gens de bien et des meschans par la lecture et intelligence de l’histoire : et comme ceux qui ont été vertueux ont été rémunérés d’un bon loyer, et les vicieux d’une mauvaise et malheureuse fin ». Pour le sixième et dernier précepte, « nous dirons qu’il est besoin d’exerciter les jeunes enfans à labeur et