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REVUE PÉDAGOGIQUE

dans de vraies écoles professionnelles où on les recevra de treize à quinze ou dix-sept ans, jusqu’à ce qu’ils possèdent complètement le métier auxquels ils se destinent. L’apprentissage chez un patron ou dans une école spéciale est en effet, à mon avis, la vraie solution, et j’y arriverai tout à l’heure. Pour le moment, je désire seulement qu’on reconnaisse avec moi que les métiers ne sauraient s’apprendre à l’école primaire.

« Mais il ne s’agit que de rudiments de métiers, des premiers éléments, ou de ce qu’on pourrait appeler la partie primaire de l’enseignement professionnel. Celle-là n’est-elle pas à sa place dans vos écoles ? Vos instituteurs se déclarent eux-mêmes tout prêts à s’en charger. Si ceux d’aujourd’hui ne le peuvent pas, ceux de demain le pourront, car vos écoles normales les y préparent dès maintenant. »

Ne soyons pas dupes des mots et ne prenons pas des formules creuses pour des découvertes fécondes. Pour moi, je ne puis pas me représenter l’enseignement professionnel rudimentaire autrement que comme un commencement d’apprentissage de professions déterminées, un commencement aussi simple que l’on voudra, mais se rapportant cependant à la pratique comme à la théorie des travaux qu’une profession comporte, ou au maniement des outils qu’elle emploie. Pour un forgeron, par exemple, les rudiments du métier ne consisteront-ils pas à apprendre à faire fonctionner une forge, à y faire chauffer à blanc un morceau de fer, et à lui donner ensuite, sous les coups du marteau, la forme que l’on désire ? Pour un menuisier, sera-ce autre chose qu’apprendre à se servir d’un établi, d’un étau, d’une scie, d’un rabot, d’un ciseau, pour faire d’un morceau de bois quelque chose de propre à un usage déterminé ? De même pour un cultivateur ou un vigneron, que seront les rudiments sinon, après une première notion du sol, des plantes, des instruments de labour et des animaux de culture, un premier essai pour arriver à conduire une charrue, à soigner des chevaux ou des bœufs, à semer du blé ou de l’orge, à tailler et à cultiver la vigne, à récolter les moissons ou à fabriquer le vin ?

Ces travaux, lors même que vous choisiriez les plus élémentaires d’entre eux, peuvent-ils se faire à l’école primaire ? Ou ceux que vous y ferez faire et que je connais aussi bien que personne, puisque j’ai été le premier à les faire enseigner à nos futurs instituteurs dans les écoles normales de l’Algérie et que je me suis rendu compte des résultats qu’ils peuvent donner, pourront-ils sérieusement passer pour un commencement d’enseignement professionnel ? Ainsi un enfant sera occupé, pendant une partie des classes, à confectionner de petits objets en fil de fer, à faire du cartonnage, du tressage avec de l’alfa ou du roseau ; il pourra même, s’il est plus grand, plus fort et plus habile, et si vous mettez quelques outils à sa disposition, faire de petits assemblages en bois, de petits bancs, de petites boîtes. Oserez-vous dire que vous lui enseignez les rudiments des métiers