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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

de serrurier, de fabricant de nattes ou de tapis, de menuisier ? De même vous lui montrerez, dans le jardin de l’école, comment on plante et cultive certains légumes, comment on greffe les arbres. fruitiers, comment on obtient de beaux raisins sur des pieds de vigne bien choisis et bien soignés. Vous imaginerez-vous pour cela lui avoir appris les éléments pratiques de l’agriculture ?

Remettons les choses au point. Traitons les enfants, fussent-ils indigènes, comme des enfants. N’ayons pas la prétention de leur donner d’emblée la connaissance des arts et des métiers, qui exige de la maturité. Ne nous figurons pas que tout puisse s’enseigner à l’école primaire, et n’oublions pas que si nous y introduisons des exercices qui ne sont pas de leur âge, nos élèves les apprendront en enfants, ce qui leur sera de peu d’utilité lorsqu’il leur faudra plus. tard les pratiquer sérieusement en hommes.

Voici maintenant les conclusions de M. le recteur d’Alger :

Revenons à une conception plus vraie de l’école primaire indigène et de son rôle.

Quel but poursuit la France en ce qui concerne ses sujets musulmans de l’Algérie ? Elle veut les rapprocher d’elle progressivement, les faire participer peu à peu aux bienfaits de sa civilisation, au point de vue intellectuel et moral aussi bien qu’au point de vue matériel.

L’école peut contribuer à réaliser cet idéal. Elle n’y contribuera jamais que pour une part, mais notre devoir est de faire en sorte que cette part soit aussi grande que possible.

M. Burdeau, en me faisant part de quelques-unes de ses vues, lors de son récent voyage en Algérie, résumait le rôle de l’instituteur d’école indigène en une formule qui me paraît être d’une justesse parfaite.

En France, disait-il, un enfant est initié aux connaissances courantes, produit et instrument de la civilisation, par deux voies différentes par l’école, qui lui transmet les éléments les plus essentiels de la culture générale, et par la famille qui lui fournit les notions pratiques les plus importantes pour la vie de chaque jour. C’est grâce à ce double enseignement qu’il se rend peu à peu semblable aux compatriotes au milieu desquels il vit, et qu’il finit par devenir un homme de son temps.

Chez les indigènes de l’Algérie, l’enseignement de la famille tel qu’il serait dans une nation civilisée fait actuellement défaut. Il faut que l’instituteur s’en charge, en même temps que de celui de l’école. Le maître doit donc ici, dans l’éducation de l’enfance, cumuler le double rôle que remplissent en France l’instituteur et le père.

C’est dire qu’en sus de l’instruction primaire proprement dite, l’école indigène doit donner à ses élèves ce commencement d’éducation pratique que reçoivent chaque jour nos enfants en dehors de l’école.